Salon du livre, Alain Bagnoud, Tristane Banon
Je viens de recevoir le livre commémoratif du Salon du livre et de la presse de Genève. 30è. Les auteurs témoignent. Très beau, très chic. Avec un problème (pour moi) : la fin de mon texte a sauté. J'avais prévu une sorte de petite chute badine. Mais ça se termine très platement. Pas de petite chute badine.
Elle a glissé vers la page suivante. Si bien que le témoignage de Tristane Banon (Bagnoud-Banon, vous suivez?) commence par ma chute. Celle-ci ne peut qu'y gagner, me direz-vous, dans ce charmant environnement. Mais je ne suis pas sûr que le texte de Tristane Banon y gagne.
Enfin, voici le texte entier :
La vendeuse
Une de ces années où, comme souvent au salon du livre, j'étais assis derrière une pile en regardant les gens passer, j'ai appris quelque chose. Il y avait à côté de moi une femme qui travaillait dans la communication, et avait créé son entreprise. Elle signait son premier livre, un roman. Une novice, donc. Et pourtant, quelle aisance ! D'abord dans la manière de capter l'attention des passantes (car c'était son créneau, elle ne visait que les lectrices). Elle se tenait debout et les appelait. « Bonjour ! » Une voix grave, sensuelle, où on percevait en même temps de la chaleur et du respect. Si on lui répondait, on était cuit : « Est-ce que vous aimeriez découvrir un livre amusant ? » C'était le sien. A celles qui hésitaient : « Un livre écrit par une femme, pour des femmes. Lisez au moins le quatrième de couverture ! » D'un geste de prestidigitateur, elle retournait un exemplaire, le mettait dans les mains de la cliente. Quand celle-ci, après avoir parcouru le petit texte de présentation, voulait rendre l'ouvrage, l'écrivaine se contentait de la fixer en souriant, n'esquissait pas le moindre geste et empêchait par sa position l'accès à la pile où la visiteuse aurait pu reposer l'exemplaire. Puis elle plaçait les derniers arguments, une manière aussi de consoler la cliente qui s'était fait piéger : « Vous verrez, c'est très drôle, vous allez passer une bonne soirée, oublier vos ennuis... » La passante finissait par acheter. J'étais émerveillé. Pourquoi n'y a-t-il pas des séminaires de vente pour écrivains ? Cette dame pourrait les donner. On s'inscrit, elle nous coache et ça va chauffer dans le salon. L'un en train de haranguer la foule, l'autre proposant ses trois meilleurs livres pour le prix de deux, le dernier initiant des soldes jusqu'à épuisement du stock, avec le complice bien placé dans la foule qui se rue en avant, billet tendu, pour provoquer le mouvement d'achat ! Personnellement, je serai là, sourire chaleureux, œil de prédateur. Je vous dirai bonjour. « Est-ce que vous aimeriez découvrir un auteur rigolo ? » Ce sera moi !