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Christophe Gaillard, Une aurore sans sourire

Par Alain Bagnoud

 

Tout ce qui concerne Bonaparte et le Valais a le vent en poupe, ces temps-ci. Peut-être à cause du bicentenaire qu'on a fêté cette année. Il faudrait vivre sur Mars pour ignorer que le Valais a rallié la confédération helvétique en 1815, à reculons, ou, disons, un peu forcé par les vainqueurs de Napoléon.

Ce n'est pas qu'il voulait rester dans l'Hexagone (lequel aurait représenté alors une bizarre figure géométrique). Après diverses péripéties, le canton était en effet devenu en 1810 un département français, celui du Simplon. Non, le Valais voulait son indépendance. Son indépendance un peu plus grande que celle que les vainqueurs entendaient lui donner. Il aurait préféré rester seul. Maître. Unique. (Est-ce que ça a changé?)

La situation actuelle, c'est donc la faute à Napoléon, indirectement. Napoléon dont le consul honoraire de France a démontré, dans sa conférence aux écrivains valaisans à Sierre, en octobre 2015, qu'il avait créé la Suisse actuelle. Rien de moins.

On comprend donc l'intérêt pour le bonhomme. En littérature aussi. Il y avait eu l'excellent roman de Dubath qui racontait à sa façon (Dubath est un ennemi de la ligne droite) le passage du Grand Saint-Bernard. (Jean-Yves Dubath, Bonaparte et le Saint-Bernard, Editions d’autre part) Il y a maintenant un roman de Christophe Gaillard, Une Aurore sans sourire.

Pas sur Napoléon exactement, plutôt sur son ambassadeur dans la République Rhodanique du Valais, nommé en 1804. Un écrivain. Chateaubriand.

Tout le monde sait que le grand auteur a été bombardé à ce poste par Bonaparte qui voulait l'éloigner. Personne ne sait s'il est arrivé. Jamais, disent certains. Jusqu'à Martigny, peut-être, nous a dit le consul honoraire dans sa conférence. Certains le poussent quand même jusqu'à Sion, d'où il aurait décampé au plus vite. L'assassinat du Duc d'Enghien ou l'ennui...

Christophe Gaillard, lui aussi, le fait arriver jusqu'à la capitale valaisanne et entrer dans la maison de Kalbermatten qui lui a été dévolue. Il le fait monter dans la voiture qui l'emmène au palais du gouvernement, et lui donne cette pensée : « Je ne tiendrai pas une semaine avant de me mettre un pistolet sur la tempe. »

Avant ça, on suit son trajet documenté de lieu en lieu célèbre : l'Abbaye de Saint-Maurice, le Bois-Noir, la cascade de Salanfe, Martigny, Isérables, Saint-Pierre-de-Clages... Ça donne une série d'épisodes dans lesquels l'ambassadeur rencontre quelques personnages pittoresques.

Nous en parlions avec un ami. Le récit, me disait-il, avance par successions d'anecdotes qui font penser aux paraboles d'Evangiles. Jésus et le paralytique, Jésus et l'aveugle deviennent ici Chateaubriand et le goitreux, Chateaubriand et le berger, etc. C'est assez joli et assez juste.

Christophe Gaillard ne veut pas en effet se suffire de l'anecdote. À travers le voyage de Chateaubriand, il s'attache à donner une vision du Valais, à mettre en perspective son amour du canton et en faire une critique sociale. Notre auteur ne dédaigne pas les petites promenades autour de son sujet, lesquelles s'appuient sur une documentation impeccable : éléments biographiques, histoire du Valais ou Histoire tout court.

Tout ceci est hiérarchisé. L'auteur, par ailleurs professeur de français au collège de Saint-Maurice, utilise ses talents de chercheur et de pédagogue dans son roman. On fait toujours son livre avec ce qu'on est.

Une aurore sans sourire fonctionne donc comme peuvent le faire les livres du genre. Éclairage du présent par le passé. Portrait du Valais contrasté. Forte présence du personnage principal, l'écrivain aimé, dont le style inspire celui de Christophe Gaillard, qui a une belle écriture aux phrases mûries, travaillées.

 

Christophe Gaillard, Une aurore sans sourire, Editions de l'Aire

 

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