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  • Ecrits du Valais à la Cave Valaisanne - Fureur de lire

     

    Écrits du Valais 1572-2014
    Pascale Güdel, Alain Bagnoud, Antonin Moeri, Pascal Rebetez

    Ecrits du Valais à la Cave Valaisanne - Fureur de lire Lectures alpines
    JEUDI 28 MAI
    La Cave Valaisanne
    18h30

    Kaléidoscope à la fois nuancé et éclatant, l’anthologie Écrits du Valais (éd. d’autre part) présente les textes d’auteurs, bien vivants ou disparus, francophones et germanophones, connus ou anonymes, qui se répondent au-delà des différences de genres et d’époques. Le maillage serré et chamarré de l’expression littéraire de ce morceau de territoire particulièrement fécond, tant les plumes sont nombreuses et de qualité, entre glacier du Rhône et lac Léman, sera défendu par quatre lecteurs, dans un petit coin de Valais au cœur de Genève.
    Durée: 1h00

  • James Salter versus Kerouac

     

     Par Jean-François Duval

       Parution en ce mois de mai de la traduction française de «Pour la gloire», tout premier roman de James Salter, aux éditions de L’Olivier. L’édition originale avait paru en 1956 sous le titre «The Hunters», chez Harper & Brothers, à New York.  C’était la dernière pièce de l’œuvre de Salter qui nous manquait encore en français.

       J’ai rencontré James Salter en 2000 à Manhattan. Il m’avait proposé de déjeuner ensemble à l’Algonquin. Nous y sommes restés plus de trois heures à discuter. Au vu des photos que j’avais découvertes de lui dans la presse, je l’imaginais forcément de haute taille, or à ma surprise il ne dépassait pas 1m70, idéal tout de même, songeais-je, pour se glisser jadis dans le cockpit de son FA 18. L’un des premiers chasseurs à réaction de l’histoire de l’aviation, grâce auxquels les pilotes de l’US Air Force combattaient les redoutables Mig soviétiques sous le ciel de Corée. Nous avons autant parlé de littérature que de la guerre dans les airs.

       Cette publication est bienvenue. Pourquoi ? L’an dernier, L’Olivier a publié le dernier volumineux roman de Salter, «Et rien d’autre», dont la rédaction s’est étendue sur quelque trente ans. C’est, de tous les romans de Salter (aujourd’hui âgé de 90 ans), celui qui a rencontré le plus grand succès médiatique ; immédiatement traduit en de nombreuses langues, il a tout de suite figuré dans la liste des bestsellers. Or, du moins c’est mon avis, «Et rien d’autre» est très loin de ce que Salter nous a donné de meilleur («Une vie à brûler», «Un sport et un passe-temps»).

       D’où cette mienne impression : jusqu’à «Et rien d’autre», on avait le délicieux sentiment, en lisant Salter, qu’il restait toujours légèrement en deçà de son talent, qui paraissait immense. La sortie de «Et rien d’autre», soudain, a fait prendre conscience de ses limites.

    L’ouvrage se perd dans la narration de maints épisodes superflus, le lecteur se lasse, s’ennuie, se dit que Salter s’égare en prenant la direction d’horizons incertains – où est passée sa maîtrise de pilote ? Bref, peut-être Salter n’aurait-il jamais dû laisser publier ce roman, qui fait ressortir les quelques faiblesses jusqu’alors camouflées de son art d’écrivain. On l’aimait pour ses fulgurances, son style étincelant, fuselé, pour ses feintes ! hélas «Et rien d’autre» n’est plus qu’une dernière et vaine voltige (à la courbe bien trop longue de surcroît) qu’il aurait dû nous épargner (ce roman nous ramène d’ailleurs beaucoup trop à terre, il n’y est pas question d’aviation, mais d’intrigues sentimentales où la quête amoureuse n’offre qu’un très maigre substitut à la dimension épique (elle a toujours quelque chose d’aérien) de ses romans précédents (y compris «L’homme des hautes solitudes» qui narre l’impossible quête d’un alpiniste américain du côté de Chamonix et du Mont-Blanc).  

       Il en va tout autrement de ce «Pour la gloire», aujourd’hui proposé par les éd. de L’Olivier, qui relate les tentatives du capitaine Cleve Connell pour devenir un «as» parmi les pilotes de chasse, en abattant au moins cinq avions ennemis. On retrouve là (et pour cause, puisque c’est le Salter des tout débuts, celui qui est tout entier saisi par son effort pour devenir écrivain) un roman de cette fulgurance étincelante qui a fait dire de lui, par ses pairs, qu’il est «un écrivain pour écrivain».

       Si je considère la littérature américaine de cette époque, un point en particulier me paraît intéressant : «Pour la gloire» («The Hunters»), je l’ai dit, paraît en 1956. Soit un an avant «Sur la route» de Kerouac. Les trajectoires de ces deux écrivains s’étaient déjà croisées avant la guerre, dans les années 1930. Tous deux faisaient alors des études secondaires supérieures dans la même école privée à New York, la Horace Mann School. Né en 1922 et de trois ans l’ainé de Salter, Kerouac avait pu entrer dans cette école plutôt chic grâce à une bourse (on espérait beaucoup de ses qualités de footballeur américain). Encore adolescent, donc «un grand» aux yeux du jeune Salter, il publiait déjà des nouvelles et des récits dans le journal de l’école. Salter était épaté, et certainement, la «fibre» de romancier qu’il sentait déjà vibrer en lui, le poussait, plus ou moins consciemment, à mettre ses pas dans ceux de son aîné. Son père l’inscrit cependant à West Point. Salter devient pilote, se bat en Corée, tout cela retarde d’autant sa carrière d’écrivain (il écrit à ses heures «perdues», ce qui n’est guère facile à l’armée). La parution de «The Hunters» précèdera pourtant de un an celle de «Sur la route» (elle aussi considérablement retardée, pour d’autres raisons).

       «Sur la route» devient immédiatement un bestseller. «The Hunters» passe inaperçu. On trouve pourtant dans ses deux romans la même exaltation d’une quête existentielle, à travers ce qu’on peut appeler la mise en forme des «temps forts» d’une vie (ses sensations sur la «route» pour Kerouac, ses sensations de pilote de chasse pour Salter). Les deux livres illustrent d’ailleurs parfaitement les deux voies qui s’ouvraient alors pour le roman américain. Celle qu’inaugurait Kerouac était évidemment beaucoup plus novatrice : avec lui, la littérature devenait jazzée, un art dont les références étaient beaucoup plus musicales que picturales. Salter, lui, se satisfait des canons du roman traditionnel, on est encore dans la filiation d’Hemingway précisément (en quoi ses romans sont «plus faciles» à lire que ceux de Kerouac).      

       N’empêche ! l’exigence d’une littérature existentielle est bien là. Et dans son «rendu», Salter lui apporte une sorte de précision aiguisée qui vaut d’être goûtée, parce que Salter, contrairement à tant d’auteurs révolus du XXe siècle, ne perd jamais de vue le risque de la «corne du taureau», dont la conscience de la présence, lorsqu’on se mêle d’écrire, était intimement liée pour Leiris à l’acte même d’écrire.

       Un troisième roman, très différent, marque aussi cette époque, paru tout juste avant les deux que je viens d’évoquer : Lolita de Nabokov, en 1955. D’une certaine façon, on peut penser que Lolita marque le point d’orgue – magnifique et ironique – d’une certaine conception de la littérature : Nabokov conçoit encore le rôle d’écrivain, et celui du narrateur, comme celui d’un joueur, fût-il pervers ou perfide (la nymphette, à la façon d’une pièce de sucrerie, offre le plus pur condensé de l’esprit du début des 50’s). A l’inverse, Kerouac et Salter – et c’est là un point de rupture – engagent résolument l’art littéraire sur les voies d’un sérieux retrouvé et fondamental (mais non pas ennuyeux), sans nul doute commandé par les angoisses de l’époque qui s’ouvre et les menaces qu’elle recèle. Pour l’un et l’autre, l’enjeu est à nouveau d’imaginer et d’explorer, existentiellement parlant, les voies d’un salut possible. 

    James Salter, «Pour la gloire», L’Olivier, mai 2015.

  • Pierre-André Milhit, 1440 minutes

    Par Alain Bagnoud

     

    Pierre-André Milhit, 1440 minutes

    Pierre-André Milhit, poète, s'est lancé dans un projet d'envergure un peu fou : écrire un poème pour chaque minute que compte une journée. 1440 minutes. C'est le titre du recueil, qui compte, donc, autant de poèmes, et donne un livre de 495 pages, épais et délicieux, paru aux éditions d'autre part.

     Milhit aime les contraintes et s'y est exercé dans ses deux derniers recueils, L'inventaire des lunes et La garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure. Dans 1440 minutes, il y frotte aussi sa fécondité.

     Chaque poème est constitué par six phrases, dont la dernière, et la dernière seule, commence par un je. Contrainte qui interroge l'inventivité du poète. Et de l'inventivité, Milhit n'en manque pas, joignant un don d'observation à des images savoureuses, sans clinquant, justes.

     On peut lire son recueil à la suite, pour apprécier justement cette créativité. On peut aussi se demander ce qui s'y passe à la minute que l'on vit. Tenez, il est maintenant 10 heures 06.

     

    10 h 06 La colline est dans son bel hiver de vent et de grisaille. Un petit carré de vigne joue une saynète de printemps sous un maigre soleil. La mésange et le lézard font que c'est bien ça la vie. La chaille d'ardoise craquèle et suinte le réveil. Le tambour et le fifre s'exercent pour un prochain vignolage.

    Je vais dire à Rilke que c'est l'heure de déguster la rèze.

      Pierre-André Milhit, 1440 minutesLe temps de recopier ça, et il est 10 h 11. On se retrouve une page plus loin (page 219).

      10 h 11 Il ressort de ce temps une fatigue extrême des animaux. On voudrait évacuer l'anxiété de la neige sale et du sérac effondré. La migration des rapaces a dû changer de trajectoire. Les jeunes filles de la ville renoncent aux fiançailles. Les jeunes hommes font la guerre aux infidèles et aux mendiants.

    Je toise la fin du monde et lui dis de se taire.

      Pierre-André Milhit, 1440 minutes, éditions d'autre part

     

  • un allemand à paris

     

     

    par antonin moeri

     

     

     

    À une époque où domine le manichéisme, où l’on révise volontiers des pans de l’Histoire en créant des catégories artificielles (bons d’un côté, mauvais de l’autre), la lecture de «Un Allemand à Paris» du lieutenant Gerhard Heller fait le plus grand bien.

    Né à Potsdam en 1909 dans un milieu modeste, Heller développe très tôt une passion pour la France et sa littérature... À la fin de ses études et après des séjours à Pise, à Toulouse et sur la Côte d’Azur, Heller accepte en 1940 un poste à Paris que lui propose la Propaganda-Staffel... Son rôle est de surveiller de près ce qu’on publie en France. Admirateur de Baudelaire et de Mallarmé, très critique à l’égard de la violence nazie, Heller lit jour et nuit des manuscrits... Il rencontre une foule d’écrivains, de Chardonne à Drieu, de Cocteau à Brasillach, de Giono à Giraudoux, de Jouhandeau à Marcel Arland, de l’orgueilleux Jünger au sémillant Léautaud, en passant par Morand amateur de voitures rapides et Céline, «un des trois géants de la littérature française avec Rabelais et Hugo».

    Dans le livre que Heller rédigera après la guerre à l’instigation des Editions du Seuil, le «Sonderführer» raconte avec un remarquable sens de l’observation ses souvenirs d’occupation en France de 1940 à 1944. Il dresse des portraits étonnants de Drieu, Jouhandeau, Jünger. L’antisémitisme délirant de certains des auteurs rencontrés effare Heller qui, sous l’influence de Paulhan, put se libérer de ces sinistres pulsions.

    Le portrait de Paulhan qui, comme Picasso et tant d’autres, décida de rester à Paris sous l’Occupation..., ce portrait est le plus émouvant. Portrait d’un homme discret, collectionneur de tableaux, très lié à Jouhandeau et qui soutint efficacement Drieu jusqu’en 1943, portrait d’un homme joyeux au savoir immense..., amoureux «du langage, des mots, non seulement pour ce qu’ils signifient mais aussi pour leur être même, leur corps, leur chair vivante, colorée et sonore», portrait d’un homme qui prendra parti contre les excès de l’épuration et qui apprit au «Sonderführer» à se livrer à l’émerveillement que suscite en nous la vision première d’un tableau... Heller va même jusqu’à dire «C’est par lui que je suis devenu un autre homme».

    Qu’un Sonderführer ait pu être un homme de culture et de coeur, lucide, d’un goût sûr, qui jeta beaucoup de dénonciations au panier et qui essaya dans la fonction qui était la sienne de protéger ce qu’i croyait être les vraies valeurs de la France, cette possibiité heurte les représentations habituelles qu’on s’efforce actuellement de développer dans les cerveaux... Pour échapper aux visions simplificatrices, stériles, et entendre la voix d’un personnage ambigu, déchiré, rempli de contradictions, pour qui la complexité des situations et des consciences vaut plus que les jugements définitifs..., je conseille la lecture de ce livre écrit avec le concours de Jean Grand quarante ans après les années «Nacht und Nebel».

     

     

    Gerhard Heller: Un Allemand à Paris, SEUIL, 1981

  • L'amour, quelle galère ! (Sacha Després)

    images-3.jpegpar Jean-Michel Olivier

    Il  y a une étrange poésie dans le récit intense et tourmenté de La Petite galère*, de Sacha Després. Le titre fait référence à une célèbre série américaine : La petite maison dans la prairie, qui mettait en scène, on s'en souvient, une famille à peu près parfaite dans les plaines de l'Ouest.

    Ici, bien sûr, c'est le contraire : Sacha Després (peintre, plasticienne) fait la chronique d'une famille à la fois ordinaire et poursuivie par le malheur. Les parents se sont rencontrés dans les années 80. Ils ont cru à l'amour fou, ont traversé tous les rites de passage du mariage, ont fait un enfant, puis un second pour essayer de sauver leur couple. Mais le malheur a frappé à la porte. La mère se suicide avec des somnifères. Le père déserte le foyer et se met à boire. Restent deux sœurs, qu'un écart de dix années sépare, qui vont vivre une relation très fusionnelle.

    images-2.jpegLa chronique douce-amère se transforme en roman d'apprentissage. Car l'aînée des deux sœurs, Marie, entreprend d'initier Laura, la cadette, aux ruses de l'amour. Elle va écrire au prof dont sa sœur est amoureuse des lettres enflammées, puis organiser un rendez-vous dans une loge de l'Opéra Bastille (scène chaude et très réussie). La grande sœur fusionnelle se révèle alors une manipulatrice de premier ordre. Et le malheur s'acharne sur La Prairie : Marie rencontre une sorte de traîne-patins, expert en beaux discours, Jack, qui peu à peu, à force de paroles lénifiantes et de fumette, va transformer la vie des deux sœurs en vraie galère. 

    Cette galère n'est petite que par litote : la fin du roman basculera dans la tragédie. Et c'est tout le talent de Sacha Després de décrire cette lente et inexorable descente en enfer avec des mots doux et précis, avec humour et sensibilité. Ce qui donne au récit (qui n'est trash qu'en apparence) un véritable souffle épique et poétique.

    L'auteur sera présente au Salon du Livre de Genève. Profitez-en !

    * Sacha Després, La Petite galère, roman, L'Âge d'Homme, 2015.

  • Genève voix du Sud

     

    Café littéraire à l'Auberge du Cheval-Blanc

    à la Place de l’Octroi à Carouge.
    Arrêt du tram 12 - Place d’Armes

     

    La Compagnie des mots est heureuse de vous convier

    Mardi 5 mai 2015 à 18h30

    pour une rencontre avec Bertrand Lévy, maître d'enseignement et de recherche au Département de géographie de l'Université de Genève. Il viendra nous parler d’une géographie humaniste et littéraire, d'urbanisme et de littérature, mais aussi de Genève.

    Il nous présentera son nouveau livre "Genève, voix du Sud" (Métropolis, 2014). Pour celui-ci, Bertrand Levy a choisi des textes d'écrivains romands mais aussi hispanophones, italiens, français et africains pour ériger un portrait polymorphe de Genève, à un moment où des questions identitaires transpercent l'Europe, et qu'il est important de rappeler que Genève est un lieu de passage, comme un lieu de refuge.
     
    Animation : Doina Bunaciu, présidente et Pierre Béguin, écrivain et membre du comité.