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  • Caisse unique, un choix alibi?

    Par Pierre Béguin

    Ainsi donc vais-je devoir bientôt me prononcer sur la future forme que prendra l’assurance  maladie. Un vote de pur principe, malheureusement, sur une réforme de structure, non de contenu, comme de bien entendu. On a décidément l’art de mal poser le problème…

    Sur le principe justement, celui de la caisse unique paraît plus logique, plus cohérent, que la privatisation d’un service qui devrait, par définition, échapper à la notion de profit. Mais, en fin de compte, quel est l’objectif du vote, si ce n’est de contenir des coûts qui ne cessent d’exploser? Sur ce point, si j’augure mal du système actuel qui a largement fait la preuve de son incompétence, j’augure encore plus mal de la caisse unique. Mon interrogation porte avant tout sur deux points: la rémunération des médecins, des spécialistes essentiellement, et le sort réservé, en cas d’acceptation, aux fonds de réserve actuels.

    L’énorme majorité des médecins, on s’en rend bien compte, a tourné sa veste. Traditionnellement acquis aux bienfaits d’un libéralisme qui les a copieusement nourris, ils penchent maintenant pour la caisse unique. La raison? Très simple. Les assureurs ayant quitté la table des négociations, ils pensent, à juste titre, que l’Etat sera un partenaire plus conciliant pour leurs revendications. Ce qui laisse présager des rémunérations à la hausse et, donc, des primes qui suivront la même courbe ascendante. Alors qu’un des problèmes, même s’il est noyé parmi d’autres, réside justement dans la scandaleuse rémunération de certains spécialistes. Près de 7000 francs au gynécologue pour une césarienne, 4000 à l’anesthésiste. Avec les autres frais aussi nombreux qu’onéreux, ça vous met l’intervention à plus de 30000 francs (et encore, je vous parle d’un temps que les moins de 10 ans ne peuvent pas connaître). Normal diront certains. Ce qu’on ne dit pas assez, c’est que ces rémunérations ont explosé sous la Lamal. Expérience personnelle: entre 1991 et 1996, pour la même intervention dans la même clinique, les honoraires de l’anesthésiste avaient déjà passé de 800 à 2500 francs. Qu’est-ce qui justifie une telle augmentation? Et comme tout le monde se sucre au passage… Un petit exemple plus frappant car inscrit dans la routine quotidienne: pour certains analgésiques, il faut encore une ordonnance. Donc, à moins que vous ne connaissiez personnellement le médecin,

    1.      Vous téléphonez à l’assistante; au mieux elle vous envoie l’ordonnance et vous facture  17 francs le téléphone; au pire, elle vous donne rendez-vous…

    2.      Vous allez à la pharmacie qui vous facture taxes et honoraires de conseil.

    3.      Vous payez le médicament beaucoup plus cher pour contribuer aux frais de recherche des entreprises pharmaceutiques.

    En fin de compte, le simple analgésique vous coûte au mieux près de 50 francs, au pire beaucoup plus, alors qu’il n’en vaut pas plus de 5. Que pourrait bien changer à ce gaspillage la caisse unique? Une simple réforme de structure, comme d’habitude, qui n’est ni plus ni moins qu’un aveu d’impuissance, qu’un leurre visant à faire admettre au citoyen que l’explosion des primes est une fatalité qu’il faudra affronter en socialisant le système, c’est-à-dire en lui donnant une caution étatique. En attendant que lesdites primes soient intégrées aux impôts et noyées ainsi, leurs augmentations avec, dans l’océan des dépenses. A la clé, bien sûr, une explosion de l’imposition... Ce sont des réformes de fond qui sont nécessaires, non pas un changement d’étiquette…

    Mais le pire reste les fonds de réserve, le véritable scandale de la Lamal. En cas d’acceptation, qu’adviendra-t-il des milliards (?) accumulés dans la plus totale opacité. Et si la caisse unique doit reconstituer une réserve, on n’ose imaginer l’impact sur les futures primes… A ce sujet, et plutôt que de me répéter, je me permets de ressortir un billet que j’avais mis sur Blogres il y a moins de deux ans sous le titre Un scandaleux transfert de propriété. Après relecture, je n’en change pas un mot:

    «On aura tout entendu!

    De la proposition la plus cyniquement stupide, celle de l’UDC qui veut rendre l’assurance maladie facultative, à la plus inutilement lancinante, celle des socialistes et leur incontournable caisse unique, en passant par la suppression des hautes franchises, l’interdiction de modifier une franchise pendant trois ans, l’établissement de réseaux de soins (qui aboutiraient inévitablement à un rationnement desdits soins et à une médecine à plusieurs vitesse), chacun y va de sa solution. La plupart du temps au seul bénéfice des compagnies d’assurance.

    Le peuple, lui, reste sceptique. Il a raison. Il a mis au rancart les réseaux de soins. Seuls quelques illuminés soutiennent la proposition udécéiste, et moins de 40% des sondés penchent pour la solution socialiste. Dont on ne voit pas par quel tour de magie elle pourrait contribuer à régler le problème essentiel de l’assurance maladie: empêcher les primes de grimper (on voit très bien en revanche comment elle pourrait contribuer à les faire exploser). Les deux solutions tiennent d’ailleurs davantage du dogme que du pragmatisme (les socialistes, sous couvert de caisse unique, espèrent en réalité étatiser le système, et les libéraux restent indécrottablement prisonniers du dogme de l’équilibre du marché et de leur stupide croyance en la supériorité du privé sur l’Etat). Et c’est bien pour cette raison qu’elles ne séduisent pas. Les gens veulent des soins et des primes qui ne transforment pas leur budget en peau de chagrin. On n’est pas sorti de l’auberge! Malgré toutes ces incantations lénifiantes, les primes vont continuer d’augmenter. Bientôt, la moitié de la population sera subventionnée. Totale schizophrénie d’un système qui prévoit une assurance sociale à but non lucratif gérée par des entreprises privées, avec actionnaires et dividendes, et qui confie l’offre (générant la demande) à des médecins dont on ne voit pas pourquoi l’éthique serait supérieure à celle d’un garagiste (il faut bien faire tourner la baraque, non!)

    Oui, on aura tout entendu. Sauf (à ma connaissance du moins) une proposition pourtant évidente qui, certes, ne règlera pas à elle seule le problème, mais qui pourrait donner un cadre plus stable à la Lamal: unifier les fonds de réserve, confier leur gestion à la Confédération et lier leur répartition en fonction du nombre d’affiliés à chaque caisse maladie. Actuellement, la gestion des fonds de réserve reste floue, et au seul pouvoir des assurances. La polémique sur les réserves des caisses maladie dure pourtant depuis des années. Rien ne bouge. On n’ose imaginer ce qui se trame dans ce puits à milliards. Et on craint le scandale national qui pourrait éclater un jour...

    Dans tous les cas, leur gestion est absurde. Il est facile de démontrer comment elle contribue à l’augmentation des primes: plus une caisse maladie comprend d’adhérents, plus elle augmente ses fonds de réserve; en cas d’exode vers une autre caisse maladie, la première conserve ses fonds de réserve, la seconde se voit dans l’obligation de les augmenter et, donc, d’augmenter ses primes. De là à en conclure que la première aurait intérêt à des exodes successifs, aussi massifs que ponctuels... C’est du moins la question que je me posais lorsque Mme Ruth Dreifuss, par ailleurs femme intelligente, sage et respectable, expliquait durant son mandat l’augmentation des primes d’assurance maladie par l’immobilisme des assurés qui, selon elle, ne jouaient pas le jeu de la concurrence. Et d’encourager le peuple dans cette voie qui ne peut qu’aggraver le problème. Nous prenait-elle pour des idiots? A titre d’exemple, en 2010, Assura, le vent en poupe grâce à des primes compétitives, craignait un rush de nouveaux clients, estimant que son taux de réserve de 35% pourrait alors fondre à moins de 12% et entraîner d’importantes hausses de primes menaçant sa compétitivité.

    Car, en plus des frais administratifs engendrés par tout changement d’assurance, les fonds de réserve ajoutent aux dépenses à chaque mouvement. J’ai payé des primes depuis trente ans à l’assurance X. Qu’on m’explique pourquoi la part de fond de réserve que mes primes ont accumulé ne me suit pas automatiquement en cas de changement de caisse! Allez donc! Cadeau à l’assurance! Pire. Formidable – et inadmissible – transfert de propriété qu’on peut sans autre assimiler au vol légalisé d’un bien qui devrait de facto appartenir aux citoyens assurés.

    Dans certains cantons – c’est le cas à Genève – des assurances ont transféré le surplus des fonds de réserve dans d’autres cantons pour éviter des augmentations de primes. La solidarité, d’accord! Mais tout de même, faudrait voir à ne pas exagérer! Si les primes sont calculées au niveau cantonal, pourquoi les réserves le sont-elles au niveau national? Seul le parti radical genevois, avant de devenir libéral, avait déposé une résolution demandant au canton de Genève d’exiger la transmissibilité des réserves accumulées par un assuré lorsqu’il change de caisse maladie. On a même pensé à prendre des mesures d’urgence consistant à faire introduire par le législateur fédéral une disposition dans la Lamal prévoyant l’appartenance strictement cantonale des fonds de réserve et l’interdiction de tout transfert dans d’autres cantons (qu’est-il advenu de tout cela?) Mais d’unification des fonds de réserve, il n’en fut jamais fait mention. On n’en veut pas, tout simplement. La véritable question est de savoir pourquoi.

    Non pas une caisse unique donc, mais un fond de réserve unique, propriété des assurés et géré par la Confédération. Si la disparité des caisses maladie, et la concurrence qui s’ensuit, reste un garde-fou (peu efficace?) à l’explosion des primes, la gestion des fonds de réserve doit leur être retirée de toute urgence. Qu’on commence par là! On verra ensuite quel autre pas il convient de faire.

    A moins que, privées de la manne des fonds de réserve, les compagnies d’assurance ne tiennent plus vraiment aux caisses maladie, si coûteuses et peu rentables, paraît-il...

    Tiens, j’y pense! Moi qui croyais encore que les compagnies tenaient mordicus à conserver les primes d’assurance maladie de base pour servir d’appel d’offre aux assurances complémentaires, j’en viens à me poser cette question: la gestion privée des fonds de réserve, absurde pour le citoyen mais si profitable aux caisses, ne serait-elle pas pour quelque chose dans cette volonté de conserver, par tous les relais politiques possibles, la main mise sur les assurances maladie? Un scandaleux transfert de propriété? Poser la question, c’est y répondre…»

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • "Du Gueulard au Paradis - Le retour de Dante"

     

    Trois artistes investissent les anciens fours à chaux de St-Ursanne. Ça donne une exposition, du 22 juin au 27 juillet, et un catalogue. Tout ça est intitulé "Du Gueulard au Paradis - Le retour de Dante ». Le gueulard, comme je viens de l'apprendre, est l'ouverture située en haut du four, qui permet son alimentation.

    Je n'ai pas encore vu l'exposition, mais j'ai le catalogue entre les mains. Notre ami Pascal Rebetez y a publié un intéressant journal, concis, évocateur, qu'il a nommé « Le retour de Dante », et qui couvre son quotidien du 18 novembre 2013 au 26 avril 2014, dans les marges de la préparation de cette exposition. Les images, sculptures, installations de Daniel Gaemperle et Jean-Pierre Gerber font écho à ce texte, de façon assez étonnante qui donne envie d'aller y voir de plus près.

    Donc : la présentation ci-dessous d'Arcos, qui organise l'événement :



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    Gaemperle, Gerber et Rebetez

    Daniel Gaemperle, est né en 1954 à Alger mais est suisse d’origine, pays dans lequel il vit depuis l’âge de 8 ans. Il a une formation de dessinateur en bâtiment et est autodidacte en tant qu’artiste. Il s’est formé notamment en Espagne, au Japon, à Taïwan, au Portugal et aux Pays-Bas. Outre la peinture et le dessin, il est actif aussi dans la conception d’aménagements de bâtiments. Daniel Gaemperle est domicilié à Petit-Lucelle.

    Daniel Gaemperle a notamment reçu une bourse de la Fondation Pro Arte de Berne et de nombreux premiers prix de sculptures ou de vitraux. Ses expositions ne comptent plus, de Chevenez au Noirmont, en passant par Laufon ou encore Saignelégier et Delémont, sans être exhaustif. Ses publications aussi sont nombreuses.

    Jean-Pierre Gerber, 68 ans, est né à Tramelan mais vit aujourd’hui à Bienne, avec un atelier au Mont-Soleil. Il a fait des études de pédagogie puis de peinture à la Haute Ecole de Berne et de musique au Conservatoire de Berne et aux Hautes Ecoles de Zurich, Vienne et Salzbourg pour obtenir un premier prix de virtuosité avec félicitations du jury au Conservatoire de Fribourg. Il n’est pas étonnant qu’on le retrouve dans la peinture et la musique.

    En effet, Jean-Pierre Gerber expose régulièrement en Suisse et à l’étranger (BexArts, Biennale de Florence, Prix Longines pour les Jeux 2012 à Londres), tout en participant en tant que soliste vocal à de nombreux concerts et représentations d’opéras dans le monde (Festival de Dresde, de Prague, de Vaison-la-Romaine, d’Autun).

    S’il est Jurassien d’origine, Pascal Rebetez, vit entre le Valais et Genève. Né en 1956, il est connu pour ses activités journalistiques, de RFJ – Fréquence Jura à la Télévision suisse romande où il est l’auteur de nombreux reportages. Mais on lui doit en particulier la création des « Editions d’autre part », qui ont édité de nombreux ouvrages depuis 1997. Pascal Rebetez a publié lui aussi plusieurs livres et est l’un des auteurs jurassiens les plus connus. On pourra l’entendre aux Fours à chaux, notamment dans le cadre de vidéos.

    Le catalogue de l’exposition reprend en outre un de ses textes, le « Carnet de Dante », en français et en allemand, accompagné de nombreuses illustrations d’œuvres des artistes présents.

    Infos
    L'association Arcos (Art Contemporain à St-Ursanne) met en place simultanément deux expositions cet été. Les oeuvres de Léonard Félix sont à découvrir dans le cloître de la collégiale, tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h. Les anciens fours à chaux accueillent quant à eux l'exposition "Du Gueulard au Paradis - Le retour de Dante". Les horaires sont identiques à ceux du cloître.

  • Une vie de Ming en Livre de Poche

    DownloadedFile-1.jpegpar Jean-Michel Olivier

    Je fais partie d'une génération qui a grandi avec les premiers livres de poche, lancés en février 1953 par Henri Filipacchi. Koenigsmark de Pierre Benoit (le n°1), L’Ingénue libertine de Colette, Les Clefs du royaume d’A.J. Cronin, Pour qui sonne le glas d’Hemingway…

    Ils valent alors deux francs, soit à peine plus que le prix d’un quotidien, un peu moins que celui d’un magazine. Les débuts de cette nouvelle collection – qui deviendra une nouvelle manière de lire, démocratique et décontractée – sont modestes, et l’accueil du public, réticent : ne braderait -on pas la littérature en l'offrant ainsi au grand public ? L'un des responsables de la collection du Livre de Poche était un proustien distingué, un peu austère, portant un nom à particule : Bernard de Fallois…

    La collection du Livre de Poche m'a toujours fait rêver et, même si je n'avais pas encore la vocation d'écrire (je voulais être footballeur),images-2.jpeg j'ai commencé à lire tous les nouvelles parutions, méthodiquement, au fil des mois, en me disant que j'en viendrai un jour à bout…

    Travail de Sisyphe, bien sûr ! Mais j'en ai lu quand même plusieurs centaines…

    Aujourd'hui, Bernard de Fallois a fondé sa propre maison d'édition et c'est mon éditeur (avec Andonia Dimitrijevic). Grâce à lui, j'ai l'assurance que tous mes livres seront repris dans cette prestigieuse collection qui me faisait rêver, étant enfant ! 

    Le 4 juillet sort de presse, dans une édition revue et corrigée, avec une nouvelle couverture, Après l'Orgie, mon roman sorti il y a deux ans chez de Fallois-l'Âge d'Homme.

    C'est un honneur et un bonheur immense. Voici ce que Christophe Passer écrivait sur les aventures de Ming, en 2012.

    OLIVIERaprsl'orgie-#CC16A3.jpg.jpg« Deux ans après avoir obtenu le prix Interallié pour L’amour nègreJean-Michel Olivier développe brillamment son thème: suite ou méta-roman plutôt drôle, Après l’orgie consiste en un long dialogue entre Ming – la sœur d’Adam, le héros de L’amour nègre – et son psychanalyste. Confession pleine de rebondissements, on lit cette affaire d’un trait, porté par le sens de la satire d’Olivier, qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il décrit un univers contemporain qui tourne à vide entre mercantilisme, luxe et orgie des vanités, ce qui ne l’empêche pas d’aimer beaucoup ses personnages: la jolie Ming, sexy et peu farouche, adoptée comme Adam par Matt et Dol (une version trash de Brad et Angelina) raconte un imbroglio extravagant et tragicomique, passant de Shanghai à l’Italie en transitant par les cliniques suisses et les folies californiennes. C’est enlevé, c’est plein d’esprit, on se croirait dans Putain, ça penche, la belle et terrible chanson de Souchon, celle où l’on voit « le vide à travers les planches ». Christophe Passer

    * Jean-Michel Olivier, Après l'Orgie, Le Livre de Poche, 2014.