Raymond Farquet, Les Jours s'en vont, je demeure
Par Alain Bagnoud
Enfin, un livre de Raymond Farquet !
Le précédent, La lettre aux Bédjuis, datait de 1999. Rien d'autre depuis, sinon une réédition d'un de ses plus beaux textes, Le Voyage amoureux, qui l'a rappelé il y a deux ans au souvenir du milieu littéraire.
Les jours s'en vont et je demeure vient donc ravir les admirateurs de cet auteur, dont je suis. Né en 1930, il a pris du temps pour écrire cet ouvrage, au beau titre qui est tiré d'un poème d’Apollinaire. Le lent mûrissement du texte est sans doute lié au projet qui le soutient, dans lequel on peut voir une ambition totalisante.
Farquet ne serait pas d'accord, peut-être. Voici comment il présente son livre : « Ce n'est pas un mélange des genres littéraires : ce n'est pas de genres du tout. Ni récit, aucune intention romanesque, ni essai, ni nouvelle, pas une étude ni une critique. A la limite, des confessions disparates... »
Beaucoup de sujets sont en effet abordés. L'enseignement, l'enfance, le vin, la cuisine les livres, Genève, le Valais, canton d'origine de Raymond Farquet, ce Valais aimé et critiqué, qui se refuse à lui et qu'il a voulu reconquérir par l'écriture.
Valais présent dans les souvenirs, mais aussi dans ses écrivains. On savourera une comparaison entre Chappaz (« un monument de l'Ancien Testament ») et Zermatten (« Je n'ai jamais pu le lire sans penser à ses rêves de colonel dans l'armée suisse »). La voici : « Il faudrait percevoir Maurice Zermatten comme un romancier en pantoufle alors que la poésie émotionnelle de Chappaz s’approche des sources avec des souliers à clous... »).
Il y a évidemment bien d'autres choses dans ce livre : la nature, les bois, un petit-enfant, le participe passé des verbes irréguliers... Malgré tout, son unité est indiscutable.
Elle se fait autour de la forte personnalité de l'auteur, de sa volonté de sauver des moments, des états d'âme, une expérience. Un même souffle anime ces pages. La presse, qui peut parfois être sensible, parle de livre bilan, de testament même.
La cohérence se crée également, et peut-être surtout, grâce au style. Farquet a le sens de la formule. Il excelle à creuser une idée, à tourner autour d'elle, la précisant de plus en plus au long d'un paragraphe qui se termine par une conclusion implacable, comme un sculpteur ôte des fragments de marbre à coups de ciseau, jusqu'à atteindre finalement la forme parfaite qu'il cherchait.
Raymond Farquet, Les Jours s'en vont, je demeure, L'Aire