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Nuances des synonymes

 

 

 

 

par antonin moeri

 

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L’autre soir, au cours d’un raout réunissant des gens passionnés de littérature pointue, j’entendis une dame d’origine bulgare dire à un grand blond chaussé de Magli confortables.

  • Les vrais synonymes n’existent pas.
  • Ah bon? Que voulez-vous dire?
  • Si un second terme pouvait désigner exactement la même chose que le premier terme, les hommes ne se seraient pas efforcés d’inventer ce second terme. Si ce dernier est apparu dans l’usage, c’est que les hommes voulaient parler d’une chose légèrement différente.

Cette conversation me laissa songeur et, rentré chez moi, je courus dans ma bibliothèque. «Les nuances des synonymes» confirma la thèse de la dame d’origine bulgare. Pourquoi le mot clope et pourquoi le mot cigarette pour désigner le même objet? C’est que, dans notre divine époque hygiénico-législative, «la cigarette est un objet de mort, la clope un objet de plaisir», nous dit M.Bertrand. La cigarette tue, c’est écrit sur tous les paquets. On culpabilise à mort (si j’ose dire) les fumeurs de cigarettes. Ce sont des assassins en puissance alors que les fumeurs de clopes retrouvent «le simple plaisir de fumer en toute innocence».

D’ailleurs, dit Rémi Bertrand, si on a inventé le patch contre la cigarette, on n’a pas encore inventé le patch contre la clope. Ce sont les épicuriens qui fument une clope. La cigarette est réservée aux stressés pressés d’en finir. Et l’auteur de ce délicieux ouvrage de conclure: «La clope c’est du bon temps; la cigarette, du temps parti en fumée».

En relisant ce délicieux ouvrage paru dans une collection dirigée par Philippe Delerm, j’ai un peu mieux compris ce que voulait dire la dame d’origine bulgare croisée dans un raout réunissant des gens sensibles à la nuance des mots.

Rémi Bertrand: Un bouquin n’est pas un livre. Ed.Points, 2006

 

 

 

 

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