Tam-tam d'Éden
Dans un article paru dans le journal Le Temps, Eleonore Sulzer évoque avec beaucoup d'élégance les nouvelles d'Antonin Moeri, parues chez Bernard Campiche Editeur.
Écouter les bruits du paradis.
Dans Tam-tam d’Éden, Antonin Moeri se fait flâneur et nouvelliste agréablement nonchalant.
Ce sont des nouvelles, mais un rythme court de l’une à l’autre le long du livre. Antonin Moeri installe une unité de ton, une énergie qui fait écho au titre déroutant de son recueil, Tam-tam d’Éden. Suivons la piste. L’Éden? Serait-ce ce lac Léman et ses bords où se promènent ses personnages? Ce lieu de vignes, d’eaux et de lumière, où ils festoient parfois, comme dans la nouvelle éponyme où l’Éden n’est pas un sage paradis mais bien plus un canaille jardin des délices…
Tam-tam? Pour le rythme sans doute. Mais aussi pour ces bruits du monde auquel le «nouvelliste» – au sens presque journalistique du terme – semble être sensible. On l’imagine saisissant au vol des phrases lancées sur les terrasses d’été où il sirote un verre, tendant l’oreille, captant, notant mentalement puis brodant, débordant, exagérant, imaginant tout autour. Nulle prétention dans ces textes, mais une sorte de nonchalance de flâneur qui prend le temps de respirer.
Ces nouvelles sont parfois noires, mais elles s’amusent des caricatures grinçantes qu’elles installent. Et puis, leurs motifs connus, famille un rien bourgeoise, voisins envahissants, se promènent au bord du vide, déjantés, en rupture, trop fous pour être ennuyeux. Si certaines nouvelles sacrifient aux lois du genre en abaissant le couperet d’une chute brutale, la plupart – les plus séduisantes – se terminent en suspens, interrompues tout à coup, comme par caprice, laissant le lecteur continuer la promenade tout seul.
Il y a un genre de laisser-aller dans ces écrits. Certains y verront peut-être un défaut, une écriture par-dessus la jambe. D’autres y trouveront une énergie, un goût pour le farniente, pour le vagabondage et prendront avec plaisir ces chemins de traverse, même s’ils ne mènent pas forcément quelque part.
ÉLÉNONORE SULZER, Le Temps