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Polanski ou selon que vous serez génie ou financier...

Par Pierre Béguin

 

Dans son Voyage au Congo, André Gide condamne violemment le colonialisme. Dans le même temps, il exerce, en Algérie surtout, un colonialisme intime qui n’a rien à envier en laideur à celui qu’il condamne à raison. Le plus surprenant, c’est qu’à aucun moment il ne semble prendre conscience de cette contradiction: «Pour le bien de l’humanité, j’ai fait mon œuvre, j’ai vécu» dit-il, par la bouche de Thésée, lorsque la mort approche, justifiant ainsi ses actes par leurs effets fécondateurs sur son œuvre, et son œuvre par son apport à l’humanité. Le tour est joué: un écrivain, un artiste, pour autant qu’il accède au statut de génie, est un cas à part qui bénéficie d’une rédemption de ses actes, même les plus vils, parce que son génie, dût-il se nourrir de chair d’enfant, apporte davantage à l’humanité que ses actes les plus atroces pourraient soustraire aux principes de justice et d’égalité. Simple question de contrepoids, de balance. Au fond, Victor Hugo ne dit pas autre chose, même s’il se limite au pur constat. Relisons la fin de Le Poète (in Les Contemplations) portrait du génie et rêverie sur la création artistique et littéraire: «Sinistre, ayant aux mains des lambeaux d’âme humaine,/ De la chair d’Othello, des restes de Mac Beth,/ Dans son œuvre, du drame effrayant alphabet, / Il se repose; ainsi le noir lion des jongles/ S’endort dans l’antre immense avec du sang aux ongles.» La création, lorsqu’elle est le fait du génie, est une lutte titanesque, un combat sanglant aux conséquences parfois monstrueuses. Et le génie, comme le Shakespeare emblématique de Victor Hugo, a parfois, dans la main même qui guide sa plume, du sang aux ongles, rançon nécessaire de son statut. Il faut bien nourrir l’œuvre! Certes, de préférence, comme Prométhée, avec son propre foie et non avec la chair des petites filles, mais…

Ces considérations pourraient-elles expliquer (et non justifier) le concert d’opinions parfois ahurissantes qui ont accompagné l’arrestation par la police suisse du cinéaste Roman Polanski? Si, en l’occurrence, les trompettes de la renommée furent particulièrement mal embouchées, on peut s’étonner de ceux qui crient au scandale contre une action visant à montrer que «le crime pédérastique, aujourd’hui ne paie plus». Ainsi d’Ursula Meier: «Pourquoi un artiste?» Oui, tiens, c’est vrai au fond, pourquoi un artiste même s’il a sodomisé une mineure de 13 ans? Ou de Lionel Baier, cinéaste, qui semble répondre à Ursula: «Ce qu’il y a derrière, c’est une méconnaissance, voire un mépris des milieux culturels de ce pays. Roman Polanski laisse une trace réelle dans l’histoire de ce siècle… » Sous-entendu, une trace qui mérite bien la primauté de son œuvre sur ses actes les plus odieux. Mais la palme revient à Jacques Chessex: «Nous avons trahi Roman Polanski, nous qui sommes une terre d’asile» Je ne sais par pour vous, mais moi, sans tomber dans une morale d’épicier, je reste stupéfait d’apprendre qu’une terre d’asile s’ouvre aussi aux responsables d’actes pédophiles. Et notre auteur de poursuivre: «Je ne dis pas que le génie justifie tout, mais un personnage de qualité universelle et la dignité esthétique de son œuvre sont un contrepoids à une affaire minime.» (sic!) Dans la même logique que Gide et Hugo, nos artistes et écrivains romands (et je ne parle pas des Ministres français) affirment au fond, avec assurance et sans vergogne, l’immunité du génie, la primauté de son œuvre sur ses actes, sa rédemption finale et l’assurance de la grâce divine. Tous ou presque lui délivrent spontanément un brevet d’innocence ou, du moins, des circonstances si atténuantes qu’elles le placent de facto au-dessus de la justice des hommes. Imaginons une seconde ce qu’aurait été la réaction de ces mêmes milieux artistiques si, à la place du célèbre metteur en scène, ce fut un financier venu chercher à la Paradeplatz le prix du plus gros bonus (bon, d’accord, je provoque un peu). Se seraient-ils scandalisés du traquenard tendu? Se seraient-ils indignés de l’incarcération d’une personnalité venue en Suisse pour y être honorée? Auraient-ils été consternés par l’image désastreuse  que cette arrestation aurait donnée de leur pays? Auraient-ils déclaré l’exception financière? Ou auraient-ils agité les grands principes républicains d’égalité devant la justice? Selon que vous serez génie ou financier… Bon, disons que Dieu reconnaîtra les siens… pour autant qu’Il s’y retrouve dans certains paradoxes. Comme celui de notre inénarrable Oskar Freysinger qui, à la surprise de tous sauf à celle de sa modeste personne, s’est joint au concert des créatifs bien-pensants en oubliant allègrement que son parti a milité pour l’imprescriptibilité des actes pédophiles. Le monde artistique et politique comme il va

Quant aux circonstances ignobles de l’arrestation et l’odieuse domesticité des autorités suisses qui se muent en paillasson de la politique financière américaine pour préserver quelques œuvres prédatrices de nos banques et leur sacro-saint secret, pourtant inéluctablement condamné, là je rejoins entièrement certains écrivains, et notamment Jacques Chessex. Mais c’est une autre histoire. Comme celle de l’enfance de Polanski, celle de son juge au comportement pathologique ou celle de sa victime qui a pardonné. Dans l’indignation et la stupeur, ne confondons pas tout! Et surtout, évitons de nous asservir à Saint Polanski comme le fait Berne à un aigle américain qui, lui, confortablement installé dans l’axe du bien, se nourrit abondamment du foie des autres…

Commentaires

  • Bienvenue au club des "médiocres", enfin... selon bien plus médiocre que vous.

  • Pour une fois, votre billet manque de finesse et de pertinence. Mélanger les époques, les genres, les artistes, les financiers. Ce n'est pas de la morale d'épicier. Mais plutôt du populisme. Cela s'appelle hurler avec les loups. Aurait-il fallu arrêter Gide, Hugo, Nabokov, Woody Allen? Heureusement qu'en Suisse les écrivains genevois veillent au grain… La morale est sauve.

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  • Tiens, tiens. On parle arabe chez vous? L'exception financière, l'exception politique, elles existent. Elles sont bien mieux protégées... et pour le même crime que Polanski. Désolé de vous décevoir. Vous pourrez le lire dans un de mes prochains billets.

  • @ Pachamac,
    Est-ce pour cela qu'on peut tout se permettre , si l'on est "haut placé" ?

    Et si cela vous concernait ? ce laxime vous serait-il supportable ?

    Vous parlez d'une égalité !!!

  • @ fédor ,
    " Hurler avec les loups "! Mais , qui sont les loups , dans tout ça ?
    et l'agneau est coupable , c'est bien connu !

    Que l'on s'appelle X ou Z , que l'on soit un Génie ou pas , il y a certaines choses dont n'a pas lieu d'être fiers !
    Et vous dites : la morale est sauve ?
    Si c'est de l'humour noir , il n'y paraît guère !!

  • @ zizany
    Qui vous dit que Polanski est fier? Il s'en est expliqué et excusé dans plusieurs livres. J'appelle loups les populistes qui hurlent dans le vent 32 ans après. Les moralistes de salon. Voilà le vrai confort intellectuel.

  • Zizany. Plusieurs billets se suivent sur mon blog concernant l'affaire Polansky. Les couleurs de l'arc-en-ciel y sont présentes, je crois. Non. Je ne suis pas de ceux qui sont laxistes en la matière. J'essaye juste de saisir les enjeux qui se cachent derrière cette arrestation. Enjeux sur les conséquences sociales de la punition des pédophiles, enjeux sur l'imprescriptibilité d'un crime, enjeux culturels et politiques. Lisez aussi le billet que je mets ce matin en ligne. C'est comme un autre Mur de Berlin qui tombe... Il y a des coups politiques et économiques qui devraient être mis au ban de la société. Hors comme les archives mettent parfois 50 ans à ressurgir de leur trou, les personnes au pouvoir ont tout leur temps pour magouiller dans leur coin et tomber dans l'absolument inacceptable. Bonne journée, Zizany.

  • OUI, il y a sans doute des gens qui tirent les ficelles : en politique , rien n'est jamais gratuit, c'est une évidence et c'est déplorable ...

    Mais concernant l'affaire , pourquoi avoir choisi de fuir ? faire face aurait cent fois été préférable ; la chose jugée , c'était terminé pour lui .
    l'accord passé avec les juges ou le procureur ? Il savait ( ce n'était plus un enfant, quand même !) qu'il ne devait pas sortir du territoire...Monsieur X , inconnu , n'aurait pas pu rester en "cavale" si longtemps ...

    Que cette affaire ressorte après trente ans peut paraître anormal, mais cela ne l'est pas puisqu'en Amérique, il n'y a pas, là, de prescription .Si j'ai bien compris, en France ,on n'aurait pas pu l'extrader ! pourquoi la nationalité française ? accordée si vite , pourquoi ?
    Etant aussi connu , c'était évident aussi que cela serait médiatisé !
    Bonne journée , Pachakmac, nous ne referons pas le monde !

  • "Quant aux circonstances ignobles de l’arrestation et l’odieuse domesticité des autorités suisses qui se muent en paillasson de la politique financière américaine pour préserver quelques œuvres prédatrices de nos banques et leur sacro-saint secret, pourtant inéluctablement condamné, là je rejoins entièrement certains écrivains, et notamment Jacques Chessex. Mais c’est une autre histoire."

    Justement! ce n'est pas une autre histoire, car c'est bien là le fond de cette histoire. Un guet-apens!

    Au fait, pourquoi tant d'intérêt à l'affaire Polanski? Que vous vous préoccupiez du coup de couteau dans le dos par Berne, et c'est pour cela que la Suisse a été décriée,OK! Mais que vous veniez juger Polanski 32 ans après les faits, que la principale intéressée et le Juge de l'époque ont dit " qu'à la place de Polanski nous aurons fait de même"! Messieurs, si cette affaire n'avait pas été entre les mains d'un juge raciste et antisémite, ce qui a révolté plus d'un, qui a fini par en être déchargé, mais trop tard! Polanski, ayant en fait fui 50 ans de prison et l'anisémitisme d'un Juge qui voulait sa peau e "petit Juif polonais".... (Pourquoi pas la chaise électrique tant qu'on y est?) Ce n'est donc pas par lâcheté que Polanski a fui. Il a reconnu les faits et était prêt à payer pour son acte méprisable auquel il n'a donné aucune circonstance atténuante. S'il a payé la victime, c'est courant aux Etats-Unis, c'est pour éviter un procès à scandale et les parents, également fautifs, ne l'ont pas refusé. Souvenez-vous Michael Jackson, qui a eu sa vie détruite à la base d'un mensonge - pour de l'argent - et qui a quitté les Etats-Unis par dégoût d'avoir été traîné dans la boue!

    A Genève, on aurait mis cela sur "l'irresponsabilité" du violeur pédophile notamment de bébés - des photos circulent sur le net sans que cela ne vous gêne Messieurs - sous l'influence de la drogue ou autres,et s'en serait plutôt bien sorti. Et je n'ai jamais lu, ni entendu une voix s'élever contre ces salauds. Mais après 32 ans... c'est un tollé général! Le couple de pédophiles suisses filmé et interviewé lors d'une enquête sur le "tourisme sexuel" en thaïlande, alors qu'il entrait avec deux gamins de 5 ans n'a pas été inquiété à son retour en Suisse. Les enfants de 5 ans étaient sans doute consentants? Savions-nous seulement ce que leur a fait subir ce couple de vicieux pédophiles?' N'est-ce pas également du viol? Quelle Hypocrisie! Cherchez l'erreur!

    Incroyable que certains se posent des questions et signent des commentaires ahurissants sans prendre la peine de lire tous les articles parus nous éclairants sur les dessous de l'affaire Polanski, et tout le monde est d'accord pour dire, qu'elle est complexe!

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