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Lumière d'août, de William Faulkner

Par Alain Bagnoud

cfs_faulkner_sightg_2004.jpgC'est toujours un peu difficile de parler d'un chef-d'œuvre qu'on vient de lire.

Il suffirait peut-être de le signaler. Dire par exemple que Lumière d'août, de Faulkner, est un chef-d'œuvre. Ça devrait suffire.

Mais, bon, vous savez ce que c'est. L'envie de bavarder, d'exprimer ses sensations. Et puis c'est un petit exercice de style, de faire un post sur un livre qu'on a aimé.

On pourrait commencer en expliquant que Lumière d'août est, comme l'indique le quatrième de couverture, la genèse d'un meurtre. Ou affirmer que le livre raconte la quête d'identité d'un orphelin blanc qui a du sang noir dans les veines, d'un mulâtre qui ne sait pas qui il est. Ou constater que deux histoires se mêlent, celle de Christmas, l'assassin, et celle de Lena, jeune fille séduite, engrossée, abandonnée, à la recherche de son amant, et qui découvre dans cette quête un but et une jouissance.

On pourrait encore conclure que Faulkner fait le portrait d'une société puritaine figée dans ses croyances et ses principes, qui produit des fanatiques et de la haine à gros bouillons. Une société livrée à un Dieu de colère et de vengeance, violemment raciste, vivant sur des principes rudes, lesquels produisent, par surgissement d'opposition, un érotisme désolé.

Les femmes chez Faulkner sont facilement séduites, ne demandent qu'à tomber dans le péché et à s'avilir. Le sexe est morbide, malsain. Soit il se révèle sans plaisir, violent, soit il tourne en nymphomanie. Sur tout cet univers romanesque court la méfiance de la femme, qui incarne la pulsion irrépressible, mais aussi la douceur, l'amour, la charité, choses que ces hommes rudes et corsetés refusent de tout leur être.

Lumière d'août est servi par une narration assez classique, pour qui a déjà fréquenté Faulkner. Il n'y a pas ici de grand flux de conscience, de monologues intérieurs constituant le récit comme dans Tandis que j'agonise. Il n'y a pas non plus de jeu excessif avec la temporalité. Ça commence avec le meurtre et l'arrivée de Lena dans la ville, un long flash-back raconte l'enfance et la formation de Christmas, puis on revient à la traque de l'assassin et à son lynchage final.

Mais le livre n'est pas si simple, quand même. Les non-dits, les points de vue, les idéologies donnent un soubassement et une force à l'histoire. Elle est vue et racontée par les personnages témoins des faits, qui les expliquent selon leur point de vue, d'après leur vision du monde.

Et comme toujours chez Faulkner, le destin manipule les personnages comme des marionnettes et cet univers pessimiste, tragique, hanté par la faute, s'il est d'une puissance rare et d'une profondeur tragique, n'est pas des plus faciles à habiter.


William Faulkner, Lumière d'août, Folio

(Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud.)


Commentaires

  • Merci de parler de littérature américaine et de rappeler ainsi à certains qu'il n'y a pas que des imbéciles et des salauds dans ce qu'ils auraient tendance à appeler le pays de Bush.

  • oui ils ont fait des bonnes choses dans le passé avant qu'ils tombent en décadence, et maintenant il va falloir s'intéresser à la littérature chinoise.

  • @suar: L'un n'a jamais empêché l'autre, pour ceux qui s'intéressent à la littérature mondiale, d'autant plus que la Chine nous offrait des chef d'oeuvres accessibles en traduction bien avant que Faulkner existe. Quant à la décadence, aucune nation ou culture ne peut y échapper un jour.

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