Lettres frontière: cherchez l'erreur
Vous connaissez Lettres frontières? C'est une association transfrontalière entre la Suisse romande et les régions de Rhône-Alpes qui veut mettre en valeur « la création littéraire contemporaine et la production éditoriale des deux régions ».
Des jurys de bibliothécaires, libraires, enseignants font une sélection d'auteurs et d'éditeurs travaillant dans le coin.
Il y a un prix et des animations.
C'est très bien.
Dix auteurs nominés, des deux côtés de la frontière. (La liste est ici). Parfait.
Et qui les publie?
Je relis le règlement: « Pour pouvoir être retenu [...] un livre doit être écrit par un seul auteur né/ou résidant en Rhône-Alpes ou en Suisse romande... et/ou être édité par un éditeur d'une des deux régions... »
Editeurs des 10 livres retenus cette année: Gallimard, Le Mercure de France, Fayard, Grasset, P.O.L, Le Seuil (4 titres).
Et, perdu là-dedans, un seul livre publié loin de Paris. Celui d'Eugène à la Joie de lire.
Commentaires
C'est sûr que les auteurs concernés peuvent facilement participer aux concours nationaux dont les prix sont délivrés à Paris, vu les éditeurs qu'ils ont. A ce compte-là, autant directement nominer les auteurs régionaux qui ont reçu le plus de suffrages dans les concours nationaux. C'est du reste souvent le lot des institutions régionales, de relayer simplement l'action des institutions nationales. La frontière fait encore léger tampon, puisque le seul éditeur régional est suisse ! Sans doute, comme pour les questions agricoles, faudrait-il ici demander une production complètement de proximité, afin d'aider les éditeurs de proximité !
Lettres Frontière est une très belle idée, et la jeune femme qui l'anime, Pascale Desbruères, est vraiment épatante. Le hic, s'il y en a un, c'est la première sélection, effectuée essentiellement par des bibliothécaires, peut-être eux aussi fascinés par Paris, et peu au fait de l'édition romande… J'ai fait partie, pendant deux ans, du jury final du Prix, et à chaque fois, malgré mes valeureuses passes d'armes, c'est un auteur (français) édité à Paris qui l'a emporté! Mais ne désespérons pas de l'entreprise : la grande idée, c'est d'inviter des auteurs à parcourir la région et de rencontrer leur public (dans les écoles, les bibliothèques, les MJC). Et là, c'est vraiment une réussite qui abolit (un instant) les frontières…
Vous savez bien, Bagnoud, qu'il n'est de bon bec qu'à Paris.
Cher Monsieur Bagnoud,
Je me réjouis de votre critique positive sur Lettres frontière, mais je me dois de réagir sur le sentiment, malheureusement erroné, que l'association et ses jurys privilégieraient d'office les éditeurs parisiens.
Les critères de sélection Lettres frontière sont très larges, puisque le "et/ou" est systématiquement effectué sur toutes les publications d'une année, laissant ainsi la place et une chance aux ouvrages publiés de figurer dans la liste des 10 sélectionnés.
D'autre part, les jurys rhonalpins et suisses romands sont totalement indépendants dans leur choix et ne sont pas, comme il est sous-entendu, plus influencés par une édition parisienne que par une édition régionale. Les jurys passent au crible plus de 300 publications selon les critères de l'association, puis défendent leur lecture selon la qualité de l'écriture et la façon de mettre en texte un sujet. La subjectivité des jurys s'arrêtent là et en aucun cas selon un choix d'éditeur.
Lettres frontière se veut la vitrine d'une littérature franco-suisse et défend avec vigueur cette dernière. Vu le succès grandissant des journées Lettres frontière, nous pouvons vous assurer que Lettres frontière n'est en aucun cas tributaire, ni à la solde des éditeurs parisiens. Relevons d'ailleurs que le travail de Lettres frontière permet justement la reconnaissance de petits éditeurs régionaux de part et d'autre de la frontière... Ne lui donnez pas des intentions qu'elle n'a pas!
A votre disposition
Valérie Bressoud Guérin, présidente Lettres frontière