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Yves Velan

Par Alain Bagnoud

yves_velan.jpgPetit portrait d'Yves Velan, l'un de nos écrivains romands les plus essentiels, né à Saint Quentin, dans l'Aisne, le 29 août 1925, vivant aujourd'hui à la Chaux-de-Fonds.
Dans les années quarante, il étudie les lettres à Lausanne où il fonde avec d'autres la revue Rencontre. Mais ses convictions d'extrême-gauche le font exclure de l'enseignement dans le canton de Vaud. On le retrouve quelques années plus tard à l'Université d'Urbana, dans l'Illinois, aux Etats-Unis, où il enseigne treize ans de suite la littérature française. Il revient à la Chaux-de-Fonds, par hasard puis par goût, y poursuit son travail et participe aux activités du groupe [vwa].
Mais rien de l'isolé dans cet homme excentré. Yves Velan est une autorité morale pour bien des auteurs. Sa rigueur, son intelligence, ses analyses dénuées de complaisance, mais où court le frémissement de la fraternité font que son jugement sur les oeuvres et les gens est toujours attendu comme un oracle.
Son oeuvre, très importante, portée par une haute intelligence et une exigence extrême, se dégage de la facilité et du parasite pour définir le fait littéraire, son rôle et son inscription dans la morale et la politique. Yves Velan a publié de nombreux articles, un pamphlet (Contre-Pouvoir, Bertil Galland, Vevey, 1978), un conte pour enfants (Le Chat Muche, E. Vernay, Genève 1986), et trois romans d'une très haute densité. qui, tous, interrogent de manière différente la notion de rupture.
Je (Seuil 1959 et L'Age d'Homme, Poche suisse, 1991) pousse aux limites la fameuse introspection romande et protestante. Le héros est un pasteur hanté par le doute, à la croisée de discours politiques et religieux. Ce texte, salué par Roland Barthes, aurait pu faire d'un auteur profitant de la mode un écrivain parisien à carrière. Mais il était écrit que Velan choisirait toujours la rigueur.Son deuxième roman,
La Statue de Condillac retouchée (Seuil 1973) est une machine littéraire où l'écriture se confronte à l'engagement, au corps, à la psychanalyse. Ce livre est son plus difficile, exigeant beaucoup de ses lecteurs, et d'une richesse infinie.
Soft Goulag (Bertil Galland, 1977, réédité par Zoé en 1989) se présente comme un récit de science-fiction, pas innocent du tout, pour lequel Velan s'est servi amplement de sa longue expérience des Etats-Unis. Situé en Amérique du Nord, le livre dénonce, avec une économie de langue où l'absence de littéraire donne par contraste un vertige démonstratif, la réduction de tout à une signification unique, qui rend les hommes manipulables extrêmement.
Travailleur acharné, qui passe des années sur un roman à le réécrire des dizaines de fois, Velan oeuvre encore à un texte dont les rares extraits parus dans des revues (Ecriture, Revue de Belles-Lettres, Europe...) ont déjà fait un mythe.
L'Energumène et son double. C'est avec lui que se terminera sa geste romanesque, composée de quatre livres, tous très différents, tous habités par une exploration de l'identité, de la présence au monde, du politique, où la question de la forme est centrale.

P.S.: Il existe sur cet auteur un excellent essai écrit par Pascal Antonietti, Yves Velan (New York/Amsterdam, Rodopi, 2005, http://www.rodopi.nl/)


Commentaires

  • « Un zeste d'enthousiasme, disait Lacan, est le plus sûr moyen que les choses passent, et durent ». C'est pourquoi j'admire le tien pour Yves Velan, grand écrivain. Mais n'est-ce pas (un peu) excessif de parler d'« œuvre très importante » (3 romans, un pamphlet, un livre pour enfants)? Que dire, alors, d'Haldas (70 livres) ou de Chessex (60) ? De Barilier (40) ? De Vuilleumier (30) ?

  • Important au sens de "qui présente un grand intérêt" plutôt qu'au sens de "volumineux". Jolie citation de Lacan.

  • Dans le remarquable hors-série de l'Hebdo: Littérature suisse, 100 livres essentiels (avril 2013), 2 pages sont aussi consacrées à Yves Velan, parce que c'était un ami de l'Editeur...Bertil Galland. C'est beaucoup d'honneurs pour un écrivain dont l'oeuvre n'est effectivement pas "très importante". Ce "complexe d'Amiel" et cette "culpabilité protestante", on en a assez entendu parler... Jacques Chessex a bouclé la boucle avec son "Pasteur Burg" et il est temps de tourner la page Velan.

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