CEVA, cherchez l'erreur! III
Par Pierre Béguin
Avant de conclure brièvement notre saga genevoise, une anecdote qui ne concerne pas directement le CEVA, mais qui vaut tout de même la peine d’être narrée.
Au Bachet, il y a un bureau de réception des TPG. J’en profite pour aller renouveler l’abonnement annuel de mes filles:
- On ne fait plus ça ici, me répond l’employé avec son uniforme frappé des lettres TPG sur la poitrine, pour le renouvellement des abonnements vous devez aller soit à Pont-Rouge, soit à Cornavin, soit à Rive.
Zut! Pont-Rouge, j’en reviens justement. Et pour diverses raisons, je ne peux pas procéder à ce renouvellement sur internet. Mais il ne sera pas dit que je sois venu ici pour rien. Moi qui prends pourtant souvent le tram, je n’étais pas parvenu, la veille, sur le distributeur de tickets (vous savez, celui qui, depuis peu, rend enfin la monnaie), à me procurer le ticket valable une heure. Avais-je commis une erreur? Avait-on changé quelque chose sur ces distributeurs? Je hasarde la question:
- Je n’en sais rien, me répond l’employé avec son uniforme frappé des lettres TPG sur la poitrine, je ne m’occupe pas du commercial.
- Mais vous ne prenez jamais le tram? M’enquiers-je tout de go.
- Non, jamais! Me répond impassible l’employé avec son uniforme frappé des lettres TPG sur la poitrine.
J’avais oublié cette absurdité bien de chez nous! Les seules personnes qui disposent d’un parking à voitures au Bachet, ce sont les employés des TPG. Et ils ne s’en privent pas. Pour les usagers de la gare – peu nombreux il est vrai – comme pour ceux du réseau bus-tram, pas une place! Cherchez l’erreur! On vit décidément une époque formidable!
Pour autant, je reste avec une double question lancinante qui, encore une fois, n’aura pas de réponse:
- Mais à quoi peut donc bien servir une gare CFF si coûteuse, si immense et si vide, sans rien à l’intérieur et sans une seule place de parking à l’extérieur?
- Mais à quoi peut donc bien servir l’office des TPG au Bachet?
Et ce long silence des espaces transports publics m’effraie...
Ce n’est pas fini.
Retour donc à Pont-Rouge. Je cherche l’office des TPG. Introuvable. Je demande aux quelques rares passagers, aux commerçants alentour, aux passants… Je pense au capitaine Haddock au Pérou: No sé, no sé, no sé… (les tintinophiles comprendront). Au bout d’une vingtaine de minutes, miracle! Je tombe par hasard sur l’entrée de l’office, cachée dans une petite rue où personne ne passe:
- Mais pourquoi ne mettez-vous pas une enseigne bien visible sur la grande artère où circulent les trams? demandai-je courroucé par tant de temps perdu.
Réponse de l’employé avec son uniforme frappé des lettres TPG sur la poitrine:
- Nous occupons des locaux des CFF et les CFF nous interdisent de placer une telle enseigne côté route du Grand-Lancy.
Ne cherchez plus l’erreur: parmi ceux qui parviendraient encore à rater l’examen pour devenir cons figurent en première ligne les CFF. Seront-ils talonné par les TPG? Encore un suspense insoutenable.
Conclusions:
1. Qu’il fait bon vivre dans cette ville!
2. Alors que le CEVA relie Annemasse et Cornavin, à la douane de Bardonnex, l’autoroute de contournement est toujours aussi congestionnée – voire plus selon l’avis des habitants concernés – comme toutes les artères entre Perly et Plan-les-Ouates. Ou ailleurs, d’ailleurs.
Sur ce point, oui, cherchez l’erreur!
Much Ado About Nothing

Mais pourquoi donc une telle construction, une telle dépense, pour recouvrir un immense espace vide… aussi lugubre? Encore une question – et avec le CEVA elles sont nombreuses – qui restera sans réponse. En revanche, pas besoin d’être Jérémie pour deviner l’odeur d’urine qui pourrait imprégner la gare Jean Nouvel du Bachet lorsque le stade de la Praille y déversera des milliers de supporters imbibés de bière. Encore que… Le stade étant aussi immensément vide que la gare, ce scénario, en l’état, paraît très improbable (serait-ce une spécialité genevoise de construire des choses grandioses en pensant que, justement parce qu’elles sont grandioses, elles vont immanquablement se remplir?).
7 h 55, quai 2. Le train est prévu à 8 h 04. Trois personnes attendent dans un silence de mort. A 8 h 02, annonce aux haut-parleurs: «Arrivée du train pour Coppet, quatre voitures sont fermées, prière d’attendre aux secteurs A,B,C!» Quatre voitures fermées, ça commence bien! Aucune importance, cependant: dans cette partie du wagon – comme ailleurs d’ailleurs – seuls huit sièges sur seize au total sont occupés. 
quai 2 sont absolument déserts. Le soleil vient mettre un peu de baume dans cette désolation, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer ce même décor un matin de novembre, dans le froid et l’obscurité humide… Avant de réaliser que, de toute façon, il n’y aura pas grand monde pour vivre ce cauchemar. C’est déjà ça!
