Fantaisie poétique (Arthur Billerey)
par Jean-Michel Olivier
À l'aube des mouches* : sous ce titre énigmatique, Arthur Billerey (né en 1991) nous propose un livre de poésie inscrit à la fois dans une tradition classique (plusieurs poèmes sont inspirés d'Aragon, de Guillaume Apollinaire et de Jean-Pierre Schlunegger) et dans une veine tout à fait personnelle. Cela donne un recueil un peu disparate, mais riche en promesses et en découvertes…
Arthur Billerey, qui travaille aux éditions de l'Aire avec Michel Moret, dirige la collection Métaphores. qui a publié Vahé Godel et Pierre-Alain Tâche. Il baigne depuis toujours dans la poésie. Une poésie baroque et imaginative qui semble aux antipodes, heureusement, d'une certaine poésie minimaliste romande qui se complait dans la contemplation du rien ou la recherche désespérée de « la rose bleue » (Dürrenmatt). Jugez plutôt :
ton sang des rues/ tessons de bouteilles perdues/ sous la chanson d'une fontaine /qui coule de source et qui me cloue/ auprès de laquelle j'ai une soif de loup/ c'est fou comme les villes martèlent/ ah moutons tondus des migraines
Jouant avec les mots (penser/poncer/pincer/passer…), l'auteur laisse courir sa fantaisie, qui semble inépuisable. Quelquefois, par facilité, cela tombe un peu à plat. Le plus souvent, cette fantaisie nous entraîne sur des sentiers sauvages et passionnants. Il y a là une richesse et une vivacité qui nous ramènent aux sources de la poésie : le rythme, la musique, la chair des mots, dans une liberté absolue.
la vie est comme je la fais/ levant les yeux pas à pas/ je cherche je chercherai/ même face au vent froid/ et déchaussé de chaleur/ à marcher à marcher/ à tout perdre de vue/ montagne unité perdue
On marche, on respire, on longe des mers et des abîmes, on tombe, on se relève (« la chute est toujours devant soi ») : il y a une expérience de vie — riche et singulière — dans ce livre qui parle davantage de l'aube que des mouches ! Un livre dense et léger, qui accueille le monde et lui rend grâce, comme les romans de Corinne Desarzens (qui signe la préface), avec étonnement et générosité.
* Arthur Billerey, À l'aube des mouches, éditions de l'Aire, 2019.