Les Carnets de CoraH (Épisode 61)
Épisode 61 : Marc Jurt et Ponge en rêvant : À mots couverts
L’écorce fissurée d’un palmier de l’épaisseur d’une membrane est d’apparence souple révélant dans sa texture quelques grossiers bourrelets. Ses fines nervures forment des lignes parallèles, obliques dans le cadre, tendues comme une peau qui respire. C’est l’enveloppe superficielle qui recouvre les cernes de croissance. Elle craque parfois accidentellement et se déchire, mais elle peut aussi être pourfendue de haut en bas. Il faut alors une pointe-sèche ou un scalpel pour accomplir l’exploit minutieux et chirurgical de l’incision.
Dans la brêche surgit alors un flux charriant dans sa traversée, un univers microscopique de signes plus ou moins lisibles. Il y a là, sous les apparences flegmatiques, une voie souterraine qui palpite comme une artère sauvage.
Dans l’interstice, le graveur met à nu des îles flottantes, des poussières de liège ou des pierres de silex de différentes tailles, les plus volumineuses, comme pétrifiées, font obstacle. Dans le champ opératoire, j'observe un magma caillotté en formation ou des ganglions qu’un guérisseur s’apprête à ponctionner et à extraire.
Ce sont peut-être des maux pluvieux livrés en oblique, pudiquement détournés, comme un carpe diem ou une offrande.
Marc JURT. À mots couverts, 1981. Eau-forte et aquatinte en noir, 10 x 10 cm. Catalogue raisonné no 96.