Les Carnets de CoraH (Épisode 55)
Épisode 55 : Rimbaud en rêvant : caractères des galets voyous : Y comme Yankee
I bifurque sur la ligne verticale
décline deux directions.
Gauche et droite. Ici et au-delà.
I devient Y dans la division.
À l’opposé, I solitaire cherche son double,
le rencontre à la croisée des routes.
Y charrie ses racines dans la fusion.
Entre exit et exil, le Yankee choisit de s’expatrier vers le nouveau continent. Il est optimiste dans la fuite, pense défier la fatalité, trouver une retraite. Il change de pays, de nom, de langue, fait peau neuve. Il a quelque chose à cacher, parfois un crime, parfois un nœud d’embrouilles impossible à démêler. Il veut se sentir libre, créer, recommencer. Le Yankee ose espérer des possibilités nouvelles. Il vit son rêve américain.
Dans le Jardin d’Épicure, il n’est pas très présent. Il écoute avec nostalgie les sept sages, redevient Petit Jean. Tout ce qu’il trouve à dire est que Cunégonde pourrait se faire refaire l’arrière-train à Miami, effacer ses blessures de guerre et retrouver un peu de sa beauté d’antan. Tout est possible là-bas. Elle lui sert un clafoutis aux griottes qui lui fait tourner la tête. « Ce n’est pas de peau que je veux changer mais de caractère. Mon corps n’est qu’une enveloppe, un courrier poste restante. Candide m’a trouvée. Je ne suis plus lettre morte. Je veux un caractère haut-de-casse, Georgia me conviendrait très bien, point 14. » À chacun ses possibilités.




A
Ce paysage entre curieusement en résonance avec l’axe kaja (la direction de la montagne sacrée) et kelod (la direction de la mer) des Balinais : les trois pics de l’île dont le volcan Agung émergent avec ses innombrables rivières qui séparent les vallées et irriguent les rizières jusqu’à la mer. Un espace vertical où l’horizontalité s’incarne dans les nombreux ponts qui chevauchent les torrents et relient les villages et les terrasses cultivées. Là-bas, les esprits flottent ou errent en haute altitude comme en basse jusqu’à ce qu’ils se déifient ou s’incarnent dans un nouveau-né. Ici au bord du lac, ils se matérialisent en végétaux, en Flottins suspendus dans l’équilibre précaire d’un coucher de soleil.
Mon regard examine la surface caillouteuse des rives, il se met au niveau du sol et se laisse entraîner dans les fonds lacustres. Là où mon corps épouse la ligne horizontale et peu profonde, allongé les pieds dans les algues, le nez sous-marin à la recherche d’une aire lumineuse. Les cailloux sont rutilants imprégnés par les innombrables intempéries. Ils racontent au fond des eaux des histoires invisibles et énigmatiques que j’essaie de lire.