Les Carnets de CoraH (Épisode 49)
Épisode 49 : paysages en écho
Quel bonheur de retrouver la Lagune et les Rives du lac après un séjour en territoire balinais ! C’est comme un signe de reconnaissance qui nous plonge imperceptiblement dans le Léman. Les galets ont à peine remué sous les pieds des baigneurs ou le flux des vagues. Quelques bois flottés charriés par la Dranse viennent échouer sur la grève. Ce sont les esprits des montagnes qui rejoignent ceux du lac. Des sommets à l’immense étendue d’eau, une chaîne de troncs arrachés cabriolent dans les torrents. Ce sont autant d’elfes, de sorcières et de fées aux allures cravachées. Ceux qui n’iront pas à la Fête des fabuleux Flottins cet hiver, alimenteront des feux nocturnes improvisés.
Ce paysage entre curieusement en résonance avec l’axe kaja (la direction de la montagne sacrée) et kelod (la direction de la mer) des Balinais : les trois pics de l’île dont le volcan Agung émergent avec ses innombrables rivières qui séparent les vallées et irriguent les rizières jusqu’à la mer. Un espace vertical où l’horizontalité s’incarne dans les nombreux ponts qui chevauchent les torrents et relient les villages et les terrasses cultivées. Là-bas, les esprits flottent ou errent en haute altitude comme en basse jusqu’à ce qu’ils se déifient ou s’incarnent dans un nouveau-né. Ici au bord du lac, ils se matérialisent en végétaux, en Flottins suspendus dans l’équilibre précaire d’un coucher de soleil.
Mon regard examine la surface caillouteuse des rives, il se met au niveau du sol et se laisse entraîner dans les fonds lacustres. Là où mon corps épouse la ligne horizontale et peu profonde, allongé les pieds dans les algues, le nez sous-marin à la recherche d’une aire lumineuse. Les cailloux sont rutilants imprégnés par les innombrables intempéries. Ils racontent au fond des eaux des histoires invisibles et énigmatiques que j’essaie de lire.
© Ferdinand HODLER, Le Lac de Thoune,
© Paul HUSNER.
© Georgia O'KEEFFE, Lake George.