Les Carnets de CoraH (Épisode 12)
Épisode 12 : que d’os !
Mes rêves sont des cordons ombilicaux sans lien, coupés du corps. Sans tête ni queue comme un boyau naissant.
Nombreux sont ceux qui s’oublient sans mystère dans la masse corporelle, sans laisser de trace consciente. À peine un éclair peut-être dans un sommeil de plomb. Où se cachent donc mes désirs enfouis ? Où loge mon viol sans mémoire ? Dans le muscle, l’os ou la chair ? Je ne sais pas. Qui peut me le dire ?
Mais quelquefois (trop rarement), les rêves surgissent et me foudroient d’une énigme. Ce fut le cas du « gypaète cendré » qui a traversé obstinément ma nuit pour naître dans le 10e épisode de mes Carnets. S’agissait-il d’un heureux présage ou d’un signe macabre ?
Cet oiseau, bien qu’en partie imaginaire, n’est pas un oiseau de proie (ni un membre prédateur) mais bien un charognard (un sculpteur d’os). Considéré comme indispensable dans le nettoyage des Alpes, le gypaète est protégé par les amoureux de la nature. Il aime voler au-dessus des falaises avec des fragments de carcasses. Il choisit le lieu et lâche l’os sur le roc aigu afin de le briser en morceaux. Il lui suffit ensuite d’avaler la substantifique moëlle.
Rectifier le mot de prédateur en charognard permet de changer le sens de l’inscription, son registre. L’un est effrayant et de mauvaise augure, l’autre, malgré l’apparence peu avenante, est si mélodieux et accort.
Sur mes os s’incruste la toile de mes songes enfouis.
J’y casse des mythes poreux (la crainte des enfants volés)
Je broye le noir sur de l’argile ocre (les voyelles a et i)
J’aspire le sens.
J’opère la rotation.
Je formule la transformation magique :
« Tu es charognard, je suis surprise.
You Tarzan, I Corah. »
PS. Merci à mes lectrices, Georgette pour m’avoir forcée à revisiter le rêve du gypaète et Émilie pour m’avoir fait découvrir le sens de l’os.
Commentaires
Très chère CoraH
Vous avez fait confiance au vol d'un somptueux gypaète, (les rêves ne mentent pas) avec lui vous avez osé chercher l'essentiel jusque dans cet os lâché du haut du ciel et dans la brisure s'est révélé pour vous un noyau d'immortalité.
Serait-ce vous avancer vers la fin d'une épreuve purificatrice?
Il n'y a que vous (dans votre langue si poétique) pour nous le dire.
Emilie est si ravie de vous avoir mise sur la piste d'un vieux symbole....
Bien à vous
Frédérique
Chère lectrice,
Merci pour ce riche retour et cette lecture si profonde. Émilie parle d'un vieux symbole, j'ai hâte qu'elle m'en dise plus.
Je vais réfléchir au sens que vous suggérez, une épreuve purificatrice… encore bien mystérieuse.
En amicale pensée,
Corah