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CEVA, mensonges et bande dessinée I

Par Pierre Béguin

CEVAbd.jpgExcellente initiative de l’Association pour une meilleure mobilité franco-genevoise (AMMFG) que cette publication d’une bande dessinée satirique sur les errances, les mensonges et les tromperies des responsables et autres thuriféraires du CEVA. Ne serait-ce que pour en conserver la mémoire là où le citoyen – et les politiques comptent là-dessus – aurait une fâcheuse tendance à oublier. Comme le disait Max Planck, fondateur de la théorie des quanta: «Le mensonge ne s’impose jamais entièrement par lui-même, mais ses adversaires finissent toujours par mourir».

Ces mensonges, la bande dessinée, véritable mémoire de la genèse tourmentée du CEVA, en dresse une liste exhaustive. En voici les principaux:

Mensonge sur les coûts

De loin le plus grossier. D’abord estimé en 2002 lors de sa présentation par Robert Cramer, puis confirmé en 2007, le budget plafonnait à 941 millions. En 2008, Mark Muller y ajoute 10% de dépassement. Mais en 2009, c’est 57% d’augmentation. On en est à 1,478 milliards avant le premier coup de pioche. Mark Muller monte alors aux créneaux pour affirmer qu’aucune autre demande de crédit complémentaire ne sera désormais présentée. Croix de bois, croix de fer… Grossier mensonge, pure propagande, énorme tromperie sur le dos des votants qui permet toutefois aux pro-CEVA de gagner le référendum du 29 novembre 2009. Depuis, Mark Muller s’excuse, il a eu un empêchement qui le dispense de répondre, au nom du gouvernement genevois, aux citoyens qui pourraient exiger des comptes sur une tromperie ayant contribué – il y en a eu bien d’autres – à fausser le résultat du vote. En 2014, c’est 1,567 milliards, budget garanti définitif par monsieur Luc Barthassat en personne. C’est vous dire si c’est du lourd… en matière de promesse! Comme de bien entendu, en 2015, on en est à 1,767 milliards. Et tout le monde sait – je l’avais écrit dans Blogres en 2009 – que la facture finale dépassera allègrement les 2 milliards, sans même prendre en considération les dépenses importantes qui incombent aux communes se situant sur le tracé. Ce gigantesque dépassement remet déjà en cause l’adoption de normes anti-bruit (il faut bien sauver la face), la construction de la future comédie, sans parler de l’entretien de bâtiments scolaires ou autres infrastructures repoussé aux calendes grecques. Bref, le CEVA plombe déjà tout investissement pourtant souhaité ou nécessaire. Même les libéraux, si furieusement partisans, à part ceux de Cologny, de la traversée de la Rade, se sont opposés à la dernière proposition, reconnaissant que le moment était mal choisi en regard des finances genevoises à l'agonie. C'est vous dire si le CEVA contribue à mettre à sac les caisses de l'Etat. Mais chuuuuut! On n'en parle pas... il y a d'autres raisons plus "porteuses" à mettre en évidence – Tiens! Pendant qu'on y est, je ne peux résister à une petite piqûre de rappel concernant les 3 milliards qui furent nécessaires à recapitaliser la Banque Cantonale après l’incurie, pour ne pas dire l’arnaque gigantesque des milieux immobiliers; escroquerie pour laquelle le Tribunal a jugé qu’il n’y avait ni responsables ni coupables… mais des personnes à dédommager à coups de millions (!!!) Ce rappel n'a rien à voir avec mon propos mais ça fait du bien de le dire...

Et puisqu’on fait ici devoir de mémoire, outre celles de Mark Muller, rappelons également ces autres promesses de politiciens sur le budget CEVA, avec le décalage temporel plus drôles que des promesses d’ivrogne. A tout seigneur, tout honneur, Robert Cramer, dans le GHI du 8 mars 2007: «Le budget de l’ordre du milliard de francs sera tenu (…) Je demande à être jugé sur pièces. Depuis que je suis au gouvernement, aucun projet n’a dépassé l’enveloppe qui lui a été allouée.» C’est tout jugé, et sur pièces, monsieur Robert Cramer. Dommage que les citoyens qui vous ont renouvelé leur confiance aient la mémoire si courte! Le Conseil d’Etat in corpore dans un communiqué de presse du 29 octobre 2009 (avant la votation donc): «CEVA ne coûtera pas 2 milliards comme le prétendent les opposants». N’oublions pas Guy Mettan, député radical et président d’Alprail, dans la Tribune de Genève du 19 novembre 2009 (toujours avant la votation): «Le CEVA est bon marché car il ne coûte que 650 millions de francs à Genève (…) Les imprévus géologiques sont intégrés au budget général.» Et tant d’autres inepties et mensonges dont je vous épargnerai la liste fastidieuse. Il suffit de retenir que les menteurs désignés à la vindicte populaire, juste avant la votation de 2009, furent systématiquement ceux qui dénonçaient la tromperie du budget, et non ceux qui mentaient à son propos, probablement en toute connaissance de cause. Et pour celles ou ceux qui veulent en savoir davantage, allez sur le site de l'AMMFG (ceva-geneve-mobilite.ch) - une association à laquelle je n'appartiens pas, mais je vais y penser... - ou consultez dans Blogres les articles que j’ai consacrés au CEVA de 2007 à 2009 et lisez les commentaires qui suivent. Edifiant! Il y a même des noms… parmi beaucoup de pseudos, bien entendu!

Mensonge sur la nature du CEVA

On a laissé croire aux genevois que le CEVA était un métro à l’image du M2 lausannois. Beaucoup d’ailleurs, lors du vote du 29 novembre 2009, ont voté pour un métro, ignorant qu’il s’agissait en réalité d’un train lourd de grandes lignes. Au reste, le M2 lausannois comporte 14 stations sur 5,9 kms alors que le CEVA aura 7 gares échelonnée sur 16,1 kms. Quant au nombre de passagers prévus, il est quatre fois inférieur au M2. Faire moins bien avec des coûts supérieurs, c’est toute la différence entre Genève et Vaud, et c’est ce qu’on appelle finalement une Genferei. D’abord désigné «train transfrontalier», le CEVA a reçu la glorieuse et fausse appellation de métro par crainte que «transfrontalier» ne fasse croire à un investissement en faveur des Savoyards. Ah, la belle désescalade! Un coup de baguette magique sur l’axe paradigmatique et le voilà nommé «métro genevois». Puis, l’image du CEVA se ternissant, les professionnels de la communication ont imaginé un concours pour lui trouver un nouveau nom. Ne m’appelez plus jamais CEVA! Désormais my name is Express… Léman Express! Sauf que…

Mensonge sur la mobilité urbaine

Le CEVA, rappelons-le, suit le tracé obsolète imaginé au 19e siècle et adopté en 1912 (!!!) sans tenir compte d’actuels ou futurs points névralgiques du territoire genevois. Par exemple, une gare surdimensionnée à Champel dont les habitants ne voulaient pas (par crainte des incivilités inhérentes à toute gare, je suppose) qui nécessitera un couloir en pente sur 400 mètres (s’il est construit) pour rejoindre ces points névralgiques, eux, que sont l’hôpital et l’Université. Un couloir – là, c’est certain – idéal à l’épanouissement d’incivilités et sûrement dangereux passé les heures de pointe. Je me réjouis de voir comment la police va régler ce problème… Le M2 lausannois, lui, bénéficie d’une station sous le CHUV. Cherchez l’erreur! Pas de gare à Carouge Fontenette, pourtant nécessaire (reliée par télécabines) à la mobilité des futurs Grands Esserts sur le plateau de Vessy. Rien à la douane de Bardonnex où les embouteillages sont pourtant monstrueux. Rien aux Cherpines dont on ignore à ce jour comment les milliers d’habitants prévus pourront quitter et regagner leurs foyers autrement que par un futur tram au trajet lent et tortueux... et qui devra déjà décharger la douane de Bardonnex. Mais une gare au Bachet dont les accès sont soit inexistants (depuis Veyrier) soit saturés (depuis Saint-Julien), même par l’autoroute de contournement. Et j’en passe, et des meilleurs…

Elisabeth Chatelain, députée indépendante, ancienne députée socialiste et co-présidente du comité Po-CEVA, dans la Tribune de Genève du 30 octobre 2009 (encore avant la votation): «Le CEVA sera utile aux Genevois pour effectuer leurs déplacements en ville». Vous plaisantez, M’ame Chatelain! Conçu sur un tracé défini il y a plus d’un siècle et visant alors à relier les réseaux ferroviaires français et suisses en évitant le centre urbain, le CEVA n’a pas vraiment vocation à désengorger l’agglomération genevoise. Comme a fini d’ailleurs par le reconnaître un politicien à court d’arguments, pour la mobilité urbaine les genevois disposent du tram, le CEVA étant avant tout conçu pour le trafic nord-sud. Oui, mais…

Mensonge sur le réseau français

Outre le fait que CEVA ne touchera que la région d’Annemasse, soit moins d’un quart du trafic pénétrant, il reste dépendant des infrastructures ferroviaires françaises et des P+R adéquats. Or, les premières sont vétustes et les seconds insuffisants, voire inexistants. Quelle utilité au CEVA, déjà peu adapté aux impératifs de la mobilité genevoise, s’il ne s’accompagne pas d’un développement du réseau au-delà d’Annemasse et s’il n’est pas appuyé par des parking-relais importants autour des gares? A titre indicatif, la modernisation de la gare d’Evian ne prévoit que 120 places de stationnement. Pour le reste, on rappellera que les genevois ont refusé (à tort?), en mai 2014, un crédit de 3 millions pour cinq P+R en territoire haut-savoyard, en ignorant pour la plupart – mais en supputant la tromperie – que ce crédit faisait partie d’une enveloppe de 240 millions d’euros promis par Genève pour financer d’autres projets du même type en France. Le mensonge, avant la votation du 29 novembre 2009, consistait à laisser croire qu’il existait en France un engagement ferme pour développer le réseau ferroviaire en région savoyarde. Si engagement il y avait, il n’était que verbal et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il tarde à se réaliser. Et au vu des déficits de dizaines de milliards d’euros dont souffrent les institutions ferroviaires françaises, on doute que de tels engagements puissent être tenus. Quant à la belle unité franco-genevoise, elle a commencé à battre de l’aile dès qu’il a fallu trouver des accords engageant investissements et espérant rendements: chaque pays voulait sa propre rame, sa propre gestion du matériel roulant et ses propres conventions de travail. Là, c’est franchement mal parti! Il se trouve même de mauvaises langues pour prétendre que les grèves actuelles de la fonction publique ne sont que roupie de sansonnet face à celles qui paralyseront bientôt cette future star de la mobilité transfrontalière.

Mensonge sur le trafic des trains de marchandises

Et puisqu’on vient de parler des futures rames, rappelons qu’initialement – et suite à des problèmes dus à des convois de marchandises très dangereuses à La Praille – les promoteurs du CEVA, pour rassurer le citoyen, avaient juré leurs grands dieux que les trains de marchandises ne circuleraient pas sur cette ligne. On parle d'ores et déjà d'exceptions… avant d’ouvrir les voies à toutes sortes de convois pas vraiment identifiés circulant sous Genève. Promis, juré!

Non! Ce n'est pas fini! La liste des mensonges dénoncés dans la bande dessinée Super CEVA dans la ville est encore longue. Nous y reviendrons demain dans Blogres pour un second volet...

 

Commentaires

  • Vraiment excellent, Pierre ! Merci de dénoncer tous ces mensonges…
    PS Guy Mettant n'est-il pas PDC plutôt que PLR ?

  • Oui, tu as raison. Mais au fond quelle est la différence? Le PDC, n'est-ce pas ce parti qui est censé défendre la famille, une émanation de l'église catholique, et qui vote toujours en fin de compte comme les radicaux libéraux? Quand j'étais gamin, dans ma commune, il y avait une véritable rivalité entre les "mâchurés" - comme les appelait mon père, radical protestant bon teint - et les radicaux. Ces rivalités sentaient bon son Clochemerle. Qu'en reste-t-il maintenant? une coalition insipide...

  • Bonsoir,

    Pourriez-vous nous donner une liste de liens permettant de retrouver les billets que vous avez consacrés à cette escroquerie ?

    Merci d'avance.

  • Des liens figurent dans le second volet de cet article. Sinon, vous les avez sous mon nom dans la colonne de droite ci-contre qui recense la liste complète des articles parus dans Blogres

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