Jean-Pierre Rochat, Lapis-Lazuli
Par Alain Bagnoud
Jean-Pierre Rochat est un de nos meilleurs auteurs. Depuis qu'il s'est mis au roman, le jurassien bernois a éclaté sur la scène littéraire. Après L'écrivain suisse allemand, qui lui a valu le prix Dentan, il nous offre Lapis-Lazuli, qui se déploie dans le même univers paysan, charnel et savoureux.
Un univers langagier, d'abord. C'est un agrégat de couches géologiques diverses, serties de pierres précieuses. Fidèle à ce qui le constitue, Rochat privilégie un langage oral, au rythme syncopé par des audaces syntaxiques et des raccourcis. Le vocabulaire est sensuel, la structure des chapitres est organique, dictée plus par les associations d'idées et d'images que par le désir de construire un récit aristotélicien (un début, un milieu, une fin).
C'est un univers géographique aussi. Celui de la ferme d'altitude, avec ses chevaux, ses chèvres, la neige en hiver, le bois à couper, les regains à rentrer, les réserves à constituer, les saisons qui passent, l'omniprésence de la nature, essentielle...
Le roman nous emmène dans une de ces exploitations forcément peu rentables. Le narrateur, un paysan trois fois grand-père, a été quitté par sa femme, italienne d'origine, qui est retourné au pays natal avec un bellâtre. Une assistante agricole beaucoup plus jeune vient l'assister. Elle se glisse assez vite dans son lit, à la recherche en même temps du père, de l'authenticité et de la vie bio.
Lapis-Lazuli raconte cette aventure en même temps que celle de l'écriture d'un livre. Car le narrateur, qui ressemble beaucoup à Rochat, est aussi auteur et rédige, tout en la vivant, l'histoire de son amour pour la belle Léa. Quelques scènes de librairie, de signature ou de rivalité littéraire ponctuent donc le livre.
Qu'il faut lire absolument, à cause du bonheur des mots, de l'exotisme du contexte et de la sensualité du tout.
Jean-Pierre Rochat, Lapis-Lazuli, éditions d'autre part