Aude Seigne, Les Neiges de Damas
Par Alain Bagnoud
Les Neiges de Damas se présente comme un livre singulier. Qu'est-ce que c'est ? Un récit de voyage ? Un roman historique ? La relation d'un moment personnel difficile ? Tous ces aspects, le texte les intègre et les unifie autour d'un lieu, Damas, et d'un moment, la période où le personnage principal du livre a fait un séjour dans cette ville
En 2008, Alice a passé un hiver au Musée national de Damas avec son prof genevois de l'unité de Mésopotamie et un doctorant. Ils examinent et classent des tablettes sumériennes, tombent sur la relation de la vente d'un oiseau. Cette plaquette rare les sort des moutons qu'on s'échange à l'époque. Elle servira à l'auteur de point de départ à des rêveries sur ce qui se passait 1770 ans avant Jésus Christ.
Des rêveries qui se révèlent plus vivaces que la réalité. Enfouie dans son sous-sol, l'étudiante ne voit rien de Damas, ou presque rien. Elle est plongée dans une intériorité qui tournera, au retour, en crise psychique, dépression ou burn out, on l'appellera comme on voudra.
Les diverses périodes décrites dans Les Neiges de Damas composent un puzzle : la rencontre du professeur, quelques épisodes de son passé, la vie de l'oiseleur summérien, le travail au musée, l'écriture du livre, six ans après. Les genres se succèdent : confessions à la première personne, récit du séjour à la troisième personne, considérations sur ce qu'est devenue la Syrie depuis le séjour d'Alice, reconstitutions historiques, éclats de thérapie...
Mais ce qui pourrait être complètement discontinu tient bien le coup grâce au talent d'Aude Seigne et à une structure invisible. Celle-ci se construit à travers l'interrogation profonde que l'auteur se pose sur elle-même et sur un thème qui traverse tout le livre et lui donne sa force et sa tension : l'inassouvissement.
Aude Seigne, Les Neiges de Damas, Zoé