Soumission de Houellebecq
Par Alain Bagnoud
Parlons-en, puisque c'est le sujet littéraire de la saison. Moi aussi, j'ai lu Soumission, de Michel Houellebecq. Avec intérêt, il faut dire : même un médiocre Houellebecq est supérieur à la plus grande partie de la production actuelle.
Avec intérêt, donc, mais un peu d'écœurement. Non pas à cause de l'intrigue. Je la rappelle en bref : un président islamiste est élu dans une France du futur, et le narrateur du livre, un universitaire déprimé spécialiste de Huysmans, finit par se convertir.
Bien sûr, on peut voir dans cette histoire, qui est pleine de références littéraires, une fable sur le changement des mœurs. Huysmans s'était converti au catholicisme à cause de la beauté esthétique des cérémonies, de l'art sacré, de la littérature religieuse, de l'architecture et des cathédrales. Ici, le personnage franchit le pas à cause de la possibilité d'obtenir des jeunes épouses, puisqu'un prof d'uni vieillissant peut en avoir trois, et très jeunes : la dernière femme du doyen de l'université a quinze ans.
Ces fantasmes, cette projection, la société qui est décrite, la position politique de l'auteur, tout ça prête à débat. Évidemment, peindre une France régie par un Islam soft, c'est crier au loup qui s'approche. Cette position, semblable à celle des tenants de la droite dure, n'est évidemment pas la mienne. Mais parlons-en, ça fait des discussions de café, on se dispute, on précise sa position, c'est très bien.
Non, ce qui m'a écœuré dans le livre, c'est autre chose, qui tourne autour du personnage principal. Certes, ce n'est pas le premier des héros de Houellebecq qui est veule, conformiste, médiocre, égoïste, ne songeant qu'à son plaisir personnel.
Mais dans les autres romans de notre auteur, la veulerie était épinglée par l'humour, elle était mise à distance, si bien que sa description pouvait passer pour une sorte de dénonciation. Ici, l'humour essaie bien d'être présent, mais il ne fonctionne pas. Et c'est parce que, ai-je eu l'impression, on ressent une sorte d'adéquation entre le personnage et l'auteur. Ce qui fait que cette veulerie devient hélas, si on veut, le message du livre.
Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion
Commentaires
Veule, glauque... Je ne lirai pas ce livre.
Mais j'ai été tentée l'autre jour par les premiers poèmes de Michel Houellebecq: ils étaient beaux,
frais, profonds, humains.
Et je me demande: que lui est-il arrivé pour qu'il en arrive à ce niveau de bassesse et de cynisme ?
La dégradation de son visage est inquiétante...
«Veule, glauque... Je ne lirai pas ce livre»
Erreur ! Son niveau littéraire s'est affiné, il est dans la cour des très grands. Du Lafite Rothschild !
«La dégradation de son visage est inquiétante...»
Son visage exprime sa souffrance. Sa souffrance par rapport à un monde devenu complètement à la masse !
Vous réagissez comme une bobo complètement polluée par votre époque!