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Au royaume des aveugles, le spéculateur est roi

 

 

 

Par Pierre Béguin

 

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Ainsi donc nos autorités ont enfin compris ce que tout citoyen lambda un tant soit peu informé des conditions immobilières sur Genève savait depuis très longtemps. Que la vente d’appartements à prix contrôlé, car construits sur des terrains agricoles récemment déclassés, faisait l’objet d’une spéculation hallucinante de la part de promoteurs, architectes, régisseurs, et plus généralement de toute personne bien placée pour profiter de biens immobiliers vendus quasiment deux fois moins chers que le prix du marché (entre 6000 et 6500 francs le m2).

Dix ans d’attente seulement avant que ces appartements ne soient libres de toute contrainte, et puissent être revendus deux fois leur prix d’achat! On ne s’étonnera jamais assez de la naïveté du législateur qui, à vouloir favoriser l’accès à la propriété, fait en réalité le lit des spéculateurs. L’affaire est si juteuse qu’une bonne partie de ces biens destinés à la classe moyenne ont été acquis par les plus riches et les plus puissants avec, à la clé, la perspective d’une véritable fortune. Je connais un promoteur qui s’est gardé un immeuble entier (le mieux placé) sur les trois qu’il a construits à prix contrôlé, avec l’aide de l’Etat. Dans dix ans (plus que six en fait), les appartements seront vendus librement et le bénéfice se chiffrera par dizaines de millions (« Que voulez-vous, mon bon Monsieur, c’est Genève et son territoire exigu!» prétextera-t-on alors pour justifier les prix exorbitants). Que celui qui s’était inscrit en vain pour un appartement à prix contrôlé à Cologny, à la Chapelle-les-Sciers ou ailleurs, ne s’étonne pas! Promoteurs, régisseurs et autres spéculateurs sont passés par là....

François Longchamp assure qu’il va prendre des mesures urgentes. Je crains le pire. Outre que le terme «urgent» semble mal approprié concernant des pratiques spéculatives qui durent depuis des années, je redoute qu’il ne se trompe de cible. Mais évitons le procès d’intention et attendons le résultat des cogitations du législateur! Le cas échéant, j’en garde sous la plume...

Cela dit, puisque nos autorités ont enfin ouvert un œil, pourrais-je les aider à ouvrir l’autre? Dans les zones industrielles, la pratique est exactement la même depuis toujours, et personne ne s’en offusque. Même pas besoin d’attendre dix ans pour réaliser son bénéfice! Un terrain à prix contrôlé (entre 180 et 220 francs le m2), une fois acquis et transformé en locaux industriels, peut se monnayer à prix libre (un promoteur parlait de 6000 frs le m2 pour des locaux industriels vides!) Qu’on impose un prix de vente bas au propriétaire pour favoriser l’industrie ou l’artisanat, je le comprends. Mais qu’on n’impose rien en contre partie au promoteur qui en fait l’acquisition, c’est malhonnête et idiot. On donne généreusement au second ce que l’on prend au premier. Comme pour les appartements mentionnés plus haut, l’acquéreur reste in fine l’unique bénéficiaire des contraintes subies par le propriétaire du terrain. Il est vrai qu’à Genève, l’idiot, c’est surtout celui qui n’est pas promoteur. Quant au malhonnête...

Car c’est là l’ultime question. Il faudrait savoir pourquoi, dans notre cher canton, le promoteur semble jouir d’un statut privilégié. Même en ayant mis à sac l’immobilier il y 25 ans, avec les deux ancêtres de la BCGE et le déficit de l’Etat dans la foulée, il continue de profiter des largesses des lois. A moins que le shérif Frank Longfield ne sorte enfin son flingue pour mettre de l’ordre dans ce far west immobilier...

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Robespierre : "Nul n'a le droit d'entasser des monceaux de blé à côté de son voisin qui meurt de faim."

    Robespierre : "La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis (Débat sur la Guerre, décembre 1792)."

    Robespierre : "Le premier des droits est celui d’exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister."

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    Ce billet m'a éclairé sur ce sujet. Merci beaucoup!

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