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Testament d'une race IV

 Par Stanislas Kowalski

4. Le piège

Voici comment nous procédâmes.

Nous avions repéré un jeune officier qui semblait se morfondre à son poste. Il était visiblement fâché de devoir supporter la grossièreté de ses hommes et la banalité de la vie des camps. Nous l’avions souvent entendu se plaindre de la bêtise de ses pairs lorsque nous menions des missions d’espionnage. Bref, il avait toutes les qualités requises pour tomber dans le piège. Il nous fallait en effet quelqu’un d’assez fin pour repérer l’occasion que nous voulions lui offrir et d’assez orgueilleux pour être imprudent. Avec tous ses talents, nous nous étions presque pris d’affection pour lui.

Un jour donc, où ce jeune homme avait la tâche bien peu exaltante d’assurer l’approvisionnement en eau, nous fîmes sortir par la grotte une chèvre toute parée comme pour un sacrifice à la mode de chez nous. Notre shaman poussa même la ruse jusqu’à blesser l’animal afin que son sang pût servir de piste à nos adversaires. Je ne sais pas où ce saint homme avait appris tant de perversité…

Toujours est-il que l’animal eut l’effet escompté. Les soldats en campagne manquent rarement une occasion d’améliorer l’ordinaire. Aussi ne manquèrent-ils pas la présence de la chèvre. Borfier, qui accompagnait le shaman par mesure de précaution, me raconta la scène. L’animal fut d’abord aperçu par un petit soldat poilu et vulgaire. Il s’approcha discrètement comme une lionne s’approche de sa proie… mais d’une allure assez pataude. A le voir jouer, faire le geste de griffer avec sa main comme un grand prédateur, et montrer les chicots qui lui servaient de crocs, Borfier ne put s’empêcher de sourire.

« J’ai failli tout faire foirer quand il a bondi ! Le con ! Il est tombé la tête la première sur le cul de la chèvre ! Je jurerais qu’il y a laissé une dent. Il gueulait comme un porc en se tenant la mâchoire ! J’ai failli éclater de rire ! Heureusement qu’il gueulait trop fort pour m’entendre ! Là-dessus tous ses potes se radinent. Tu aurais dû les voir poursuivre la pauvre bête dans tous les sens avec des cris de monstres et les babines retroussées. Ils faisaient un boucan de tous les diables. Je commençais à me dire que le plan avait foiré et que je devrais me contenter de cette tranche de rigolade, quand notre cave – l’officier – est arrivé, furax. Tu l’aurais vu, tout rouge, tout rond, tout jeune devant ces brutes épaisses et poilues. Eh bien, les gaillards n’en menaient pas large devant lui !

- Dis donc, qu’est ce qui te prend de parler ainsi ? Un peu de tenue !

- Désolé ! C’est à cause d’eux. A les voir comme ça… ça m’a donné envie de…

- Eh bien, oublie ces envies ! On ne s’en portera que mieux. Va au fait !

- Bon, l’officier a demandé d’où venait la chèvre et a paru intrigué. Ils ont fait quelques pas dans la grotte puis ils ont reculé prudemment. Le cave, pardon la dupe, avait l’air très intéressé. C’est tout ce que je peux dire pour l’instant. »

Nous finîmes donc nos préparatifs dans le souterrain. Borfier s’était chargé de la partie la plus dangereuse. La grotte formait à un certain endroit une patte d’oie bien orientée, de sorte qu’on ne pouvait voir l’embranchement qu’en venant du village mais pas en venant de l’extérieur. Borfier s’y embusqua avec quelques hommes pour couper la retraite du détachement qui viendrait par là. Avec d’autres hommes, je fis préparer une grande réserve de pierres et d’armes de jet au sommet et je préparai le fond de l’aven avec des pieux disposés en cercle. Je pensais ainsi empêcher nos ennemis de manœuvrer ou de chercher un abri sous un surplomb. Cette idée était mauvaise, comme nous le verrons plus tard.

 

 

 

 

Commentaires

  • C'est un peu curieux, on dirait des consciences modernes transportées dans des corps d'une époque reculée.

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