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lire à voix haute

 

antonin moeri

 

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Lu cette nuit plusieurs fois un même texte. Succession de phrases courtes sans mots de liaison. On appelle ça je crois parataxe. Mais alors, comment se fait-il que je fus aspiré dans un tourbillon que je ne saurais évoquer sans résumer la chose.


Un homme serait assis dans l’ombre d’un couloir. À quelques mètres de lui, une femme couchée. Sous la soie, le corps nu ruisselle de sueur. Elle ouvre les jambes. L’homme fixe les lèvres du sexe écartelé «dans sa plus grande possibilité d’être vu». L’homme sort du couloir, éjacule sur le visage de la femme, inonde ses seins. De son pied, il fait rouler le corps avec brutalité. Ébloui par le soleil, il pose son pied sur un sein et dit «Je t’aime». Il appuie fort. Elle crie. Il serait retombé dans son fauteuil. Elle pénètre dans la fraîcheur du couloir. Elle lui dit «Je t’aime». Elle s’accroupit pour la mettre à nu. La prend dans sa bouche. De ses mains elle l’aide à venir. «Il crie doucement une plainte d’intolérable bonheur». Il la repousse, s’allonge sur elle et la pénètre. Elle désire être frappée. Le brouillard monte. Il commence à gifler. Elle dit que oui, que c’est ça. Il frappe de plus en plus fort, sur le visage, les seins. L’homme insulte et frappe. Le ciel se couvre. D’autres gens semblent regarder. Un orage d’été se prépare. L’homme pleure couché sur le corps de la femme.


Résumant la chose, on ridiculise, on tue ce qu’a voulu Marguerite Duras: mettre le lecteur dans tous ses états. Pas tellement par ce qui est raconté, mais par la manière d’agencer les mots de tous les jours dans une phrase sans fin, de modifier les points de vue (car il y a une femme qui assiste au spectacle pour essayer d’en rendre compte et, parfois, c’est son point de vue qui est adopté). Par la manière de mettre en scène des morceaux de corps. Relisant ce texte au milieu de la nuit, j’eus envie de l’entendre sur une scène. Ça s’appelle «L’homme assis dans le couloir». C’est paru chez Minuit en 1980 (36 pages). Je me demande si ça se trouve encore en librairie. Je l’ai trouvé dans un coffre, au grenier, chez une femme qui vient d’acheter une vieille maison, dans la banlieue parisienne.


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