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une pêche d'enfer

 

 

par antonin moeri

 

 

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Une soirée chez des amis. Cinq ou six adultes. Trois ou quatre enfants. Dans le vaste salon (une fenêtre donne sur un paysage féerique), deux canapés, des fauteuils, petites tables où s’entassent verres et bouteilles. Entre alors un couple vêtu avec élégance. Très vite, l’homme s’est mis à quatre pattes et à imiter les mouvements d’un animal puis, caché derrière un canapé, il ne laissa voir que ses mains, ses poignets et ses avant-bras. Des mains devenues marionnettes pour raconter une histoire drôle aux enfants. On l’aura compris, toute l’attention était focalisée sur cette réjouissante scène de théâtre guignol.

 

J’ai appris, depuis cette fameuse soirée, que l’homme inventif n’avait fréquenté que l’école obligatoire. Mais ce qui m’a frappé ce jour-là, c’est son extraordinaire énergie, sa spontanéité, son humour, son ouverture aux autres et son amour des enfants. Par son comportement, l’homme voulait signifier une chose: l’enfant est beaucoup plus intéressant que l’adulte car il est innocent, sait jouer et rire; l’adulte est trop vieux et encroûté dans ses certitudes pour pouvoir participer à cette fête de l’existence où l’innocent peut donner toute sa mesure.


Le dynamisme de cet homme éveilla ma curiosité et je ne fus guère surpris quand, ayant accepté de me parler malgré mon âge, il me révéla sa profession: créateur d’événements. Il rentrait d’un voyage au Canada où le groupe Rolex l’avait mandaté pour organiser un monstre défilé de mode devant un panel de gens triés sur le volet: 600 dollars l’entrée. Ce type de mandat lui est régulièrement confié, car ses compétences sont connues dans la branche. Il a un sens de l’organisation, une vision d’ensemble, une rapidité d’exécution et une capacité de gérer l’argent qui lui est confié dignes d’un cadre supérieur dans une entreprise en pleine expansion.


L’autre soir, il m’a appris qu’il était chargé d’organiser un événement dans le quartier. Les commerçants de la Rue Guillaume Tell se sont associés et ont entamé des négociations avec Eric (mon ami le créateur d’événements s’appelle Eric). Il sera chargé de faire acheminer les tables et les bancs, l’estrade pour le trio bolivien, une piste pour ceux qui inviteront courtoisement les femmes prêtes à danser la salsa, le rock’n’roll ou le tango argentin. Il sera également chargé de commander les caisses de vin, de bière et de Coca, les baguettes de pains et les flûtes au sel à un prix avantageux, de nommer un caissier qui devra percevoir le prix d’un repas en échange d’un billet numéroté, de convoquer les bénévoles qui serviront les pattes de poulets préparées par le boucher du coin, très heureux de participer à un tel événement. 


Je ne sais pas combien gagne Eric pour ce genre de prestations mais son niveau de vie est relativement élevé. Il vit dans un joli appartement confortable, meubles design, éclairages étudiés, cuisinière agencée avec plaques vitrocéram et petite cheminée avec bûches en plastique contenant des ampoules. Eric est toujours de bonne humeur. Il se déplace avec une énergie peu commune. Il est perpétuellement en forme. Il ne mange pas trop lourd le soir. Avant de s’endormir, il pense à quelque chose de très positif qui lui arrivera le lendemain. Son réveil dispose d’un simulateur d’aube (lampe dont l’intensité lumineuse augmente graduellement). Il ne regarde jamais le sol avec un air triste. Il connaît ses limites et prend des pauses quand c’est nécessaire, pour éviter l’épuisement. Les musiques qu’il écoute en travaillant (écouteurs intra-auriculaires avec embouts en silicone qui vous coupent totalement des stimuli sonores présents autour de vous) sont naturellement des musiques sans paroles car les paroles des chansons pourraient perturber sa concentration, qu’il le veuille ou non.


Bref, Eric est un champion. Il a la pêche et le sourire toute la journée. Eric, je ne sais pas comment tu fais pour avoir cette pêche d’enfer. Il m’arrive de t’envier. Bravo! I love you. 


 

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