Sâdhu
Par Alain Bagnoud
Il faut courir, toutes affaires cessantes, aux cinémas Scala pour voir le dernier film de Gaël Métroz. Amateurs d'exotisme, de spiritualité, de belles images, d'histoire prenante, de personnages humains, amateurs de cinéma enfin, ceci est pour vous: Sâdhu.
De Gaël Métroz, on a déjà pu goûter Nomad's Land, dans lequel il se mettait sur les traces de Nicolas Bouvier. Ce jeune réalisateur voyageur avait traversé l'Iran en crise, le Pakistan, le Sri Lanka, avant de suivre sa propre route. Son nouveau film nous emmène en Inde.
Près des sources du Gange, il a rencontré Suraj Baba, un ermite qui vivait depuis huit ans dans une grotte. C'est un sâdhu, un sage, un saint homme, de ceux qui renoncent à tout, vivent dans le dénuement pour se libérer des illusions, se dissoudre dans le divin, avec pour but ultime d'arrêter le cycle des renaissances.
Le premier jour, le Suisse a aidé l'ermite silencieux à consolider le chemin de la grotte rongé par le fleuve. Le deuxième jour, Suraj Baba lui a dit trois mots. Petit à petit, la relation s'est consolidée au point que le réalisateur s'est installé dans une grotte adjacente qui servait au sage pour sa méditation.
Cette amitié improbable a eu des suites: les deux associés se sont rendus ensemble à la Kumbha Mela, la fête de la cruche, une rencontre qui réunit tous les 12 ans plus de 70 millions de pèlerins dans une ville sainte au bord du Gange.
Voilà ce qu'on voit dans le film: Baba dans sa grotte, ses gestes quotidiens, puis son départ vers la fête. C'est ensuite que l'histoire bascule.
En se rendant à la Kumbha Mela, Sujar Baba avait pour but de confirmer ses vœux. Mais au lieu d'apaiser ses doutes, le pèlerinage les attise plutôt. Il faut dire qu'on se retrouve dans un capharnaüm incroyable,où se mêlent mysticisme, charlatanisme, rouerie, sainteté, apparence, rôles et profondeur spirituelle, un mélange détonnant.
Baba, troublé, décide alors de ne pas remonter dans sa grotte et de faire un autre pèlerinage, individuel celui-là, vers les lacs sacrés du Tibet.
Gaël Métroz le suit, caméra sur l'épaule. Leur compagnonnage dure finalement dix-huit mois. Une année et demie de voyage, à pied, en train, en bus, dans le dénuement, la pauvreté et les rencontres. Une année et demie qui se termine de façon bouleversante devant les lacs sacrés enfin atteints.
Un des grands intérêts du film est Suraj Baba lui-même, un homme lumineux, fraternel, qui se voulait chanteur de rock dans son adolescence et qui voyage avec sa guitare. On n'entend et ne voit que le Sâdhu, qui s'adresse à la caméra ou l'oublie. Gaël Métroz, lui, a pris le parti de ne pas apparaître dans le film et réussit à la perfection à trouver la distance juste avec celui qu'il accompagne.
Bien construit, bien filmé, émouvant, serein, profond, Sâdhu a tout pour ravir chaque spectateur. Voici sa présentation officielle :
« Après 8 ans passés dans une grotte dans l’Himalaya, Suraj Baba, le protagoniste, cherche encore son chemin entre occident et orient, société de consommation et dépouillement, vie familiale aisée et solitude austère, réussir dans la vie et réussir sa vie. Assimilant ces apparents contraires, il désamorce nos clichés sur ce que l’on nomme généralement «l’orient» ou «la spiritualité orientale». Sa quête initiatique ne l’emmène justement pas à choisir entre la solitude ou le monde, entre son passé au sein de la société et l’austérité de son présent. Il cherche plutôt à concilier les deux, à être «à la fois dans et hors du monde».
C'est tous les jours aux Scalas : 14:30, 16:45, 19:00, 21:10.
Publié aussi dans Le blog d'Alain Bagnoud