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De la sagesse de l’incertitude (littéraire)

PAR SERGE BIMPAGE

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En cette époque troublée, qu’il fait bon relire Kundera ! Dans « L’insoutenable légèreté de l’être », l’angoisse de l’homme seul éclate : « Après avoir réussi des miracles dans les sciences et la technique, ce « maître et possesseur » se rend subitement compte qu’il ne possède rien et n’est maître ni de la nature, ni de l’Histoire, ni de soi-même. Mais si Dieu s’en est allé et si l’homme n’est plus maître, qui est donc maître ? La planète avance sans aucun maître. La voilà, l’insoutenable légèreté de l’être. »
Loin d’être une confession de l’auteur ou un récit épique, le « vrai » roman est une exploration de la vie humaine. Or, explorer, n’est-ce pas exercer son esprit critique, critiquer, contester tandis que ce qui se passe sur la planète n’est plus une affaire locale, que toutes les catastrophent concernent le monde entier et que, par conséquent, nous sommes de plus en plus déterminés de l’extérieur, par les situations auxquelles personne ne peut échapper et qui, de plus en plus, nous font ressembler les uns aux autres ? Guy Scarpetta, théoricien brillant du roman, le dit merveilleusement : « Si l’on fait du roman un véritable art, susceptible de révéler ou d’explorer certains aspects de l’expérience humaine méconnus par tous les autres grands systèmes d’interprétation, et de faire ainsi advenir un effet de vérité qui ne pourrait être obtenu autrement ; de se moquer de toutes les idéalisations collectives, de les déstabiliser ou d’en faire surgir le non-dit ; de jouer avec les orthodoxies, les certitudes ; de tirer parti des ambigüités de l’ironie plutôt que des assurances de « thèses » connues d’avance, et de suspendre le jugement moral ; - alors, il va de soi qu’une telle définition implique […] que les véritables inauguraux du genre sont Rabelais et Cervantès. »
Tout l’enjeu, pour l’écrivain, réside dans la capacité de produire un effet de vérité là où échouent tous les savoirs, tous les dogmes constitués. Démarche hautement critique, subversive et solitaire. Dont Salman Rushdie a payé le prix fort avec ses « Versets sataniques » : la fatwa dont il est victime n’a toujours pas été levée. Et il est instructif et piquant de constater que le scandale réside moins dans un blasphème, une éventuelle critique frontale du Coran dont Rushdie s’est bien gardé que sur  la nature même de l’art du roman. L’écrivain joue avec les thèmes coraniques, par là même il échappe au face à face de l’orthodoxie et de l’hérésie. Or, ce jeu, précisément, est intolérable à l’intégrisme parce qu’il ne se situe par sur son propre terrain. Comme l’écrit Rushdie, « là où il n’y a pas de croyance, il n’y a pas de blasphème », formule qui caractérise précisément le roman et rend l’écrivain « insaisissable ».

 

Commentaires

  • L'insoutenable légèreté de l'être ou par-delà le bien et le mal, par delà le dogme de ce qui est vrai et de ce qui est faux, de ce qui est et de ce qui n'est pas . L'incertitude, c'est errer dans une brume légère et d'y découvrir des fantasmagories, naviguer dans des océans de doutes, mais enfin naviguer vers un horizon large. S'arrêter, c'est sombrer...... préférer l'incertitude....

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