Les Carnets de CoraH (Épisode 72) (06/01/2019)
Épisode 72 : Marc JURT en rêvant : Questions et Réponses
De quoi est fait le réel ?
Il y a longtemps, dans le bassin méditerranéen, les présocratiques ou philosophes de la nature ont examiné la question sous plusieurs angles et ouvert des perspectives modernes. S’agit-il d’atomes, ces éléments invisibles à l’œil nu qui composent la matière ? Ou les 4 éléments, l’eau, la terre, le feu et l’air, qui en seraient le moteur. À moins qu’il ne s’agisse d’un principe premier, permanent et immuable, à l’opposé de l’éphémère et du mouvement. Aujourd’hui la science a donné sa réponse grâce à ce questionnement qui remonte au temps des Anciens, à cette curiosité et à ce besoin naturel d’aller de l’avant.
De quoi sont faites les Questions et Réponses de Marc JURT ?
L’ensemble de cette œuvre impressionne par sa verticalité, ses couleurs brûlantes empreintes d’or comme une coulée de lave cuprique au centre du questionnement. Sommes-nous au cœur de l’énigme et d’une expérience métaphysique ? Y a-t-il âme qui vive dans cette ligne de fuite ou n’est-ce que rupture dans une solution de continuité ? Une illusion qui me laisse face à moi-même.
Le panneau central, composé d’écorce de bananier, éclate de mille feux donnant l’impression d’une présence jaspée et fugitive comme un leurre alors que les côtés sombres, faits de papier Japon et d’ikat, absorbent presque entièrement la lumière. La toile de fond superpose ainsi les supports fabriqués et naturels donnant du relief et de la profondeur au tout. Au premier plan, les piliers du sanctuaire que sont les pinceaux calligraphiques aux manches de bambou et les épis d’asperges finement pignochés de nuances de beige sur de longues tiges terreuses, se dressent et s’alignent en alternance.
La remise en question de l’artiste est universelle, sa réponse est une œuvre qui se renouvelle au plus près d’une intuition première, qui est peut-être une fin en soi. Il accouple ainsi l’art à l’expérience du réel, le pinceau à l’asperge, ce légume royal et printanier, connu pour ses vertus aphrodisiaques, dont la précieuse tige est de « l’ivoire à manger » et son extrémité une « pointe d’amour ». Ce couple singulier est à l’image de l’action productrice (la poïésis) comme d’un échange stimulant et nécessaire à la vie. Mais elle est aussi l’envers de la vie car quand l’artiste crée il ne vit pas.
Marc JURT. Questions et réponses, 2002. Acrylique, pigment, pointe sèche, papier Japon, ikat, écorce de bananier sur bois, 122 x 61 cm.
Marc JURT. Les Quatre Éléments, 1990. Aquatinte au sucre, vernis mou en bleu, rouge, jaune et noir, et gaufrage sur deux plaques, 39,4 x 29,8 cm et 39,4 x 29,8 cm. Catalogue raisonné no 200.
Note de Marc JURT à propos des Quatre Éléments : « Gravures s’appuyant sur le geste, la trace du pinceau et leur mise en rapport avec les éléments travaillés au trait. Juxtaposition et superposition de plaques, couleurs alliées aux divers papiers appliqués. Dialogues, rencontres. » Catalogue raisonné, p. 51.
Marc JURT. Détail de « Alliance 17 », Les Témoins inaltérables, 1987-1988. Pointe sèche sur papier Arches et papier offset intégrés à du papier coton et lin, rehaussés de gouache blanche, 52 x 98 cm. (Épreuve unique.)
Marc JURT. Tu te dresses / Tranquille devant ton ombre / Asperge, 1984. Pointe-sèche en noir, 100 x 60 cm. Catalogue raisonné no 141.
Note de Marc JURT sur cette gravure : « Le titre a précédé la gravure. J'ai tout d'abord composé de petits poèmes en trois vers à la manière de haïkus, puis j'ai réalisé les gravures à la pointe sèche. » Catalogue raisonné, p. 51.
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