Lettre ouverte à Sandrine Salerno (22/09/2013)
Par Pierre Béguin
Madame la conseillère administrative,
Sur le site du Département des finances et du logement de la Ville de Genève dont vous avez la charge, on peut lire en ces termes votre profession de foi en matière de logements sociaux: «Je ne considère pas la crise du logement comme une fatalité. Mais il faut lui opposer une politique volontariste. L’adoption, sous mon impulsion, du règlement municipal sur les logements de la Gérance immobilière municipale (GIM) en 2009 répond à cette nécessité et permet non seulement à la Ville de Genève de renforcer sa politique en faveur du logement social mais également de mener une politique plus transparente, plus efficace et plus juste en matière d’attribution des logements».
«Politique volontariste et transparente», a priori on souscrit. Encore faut-il savoir, parfois, y mettre les formes. Le droit n’autorise pas l’irrespect, comme la nécessité d’atteindre l’objectif fixé ne légitime pas une formulation comminatoire et menaçante, peu adaptée à certains destinataires.
En ce sens, permettez-moi de vous conter la mésaventure de cette vénérable dame de 95 ans, au bénéfice depuis 40 ans d’un logement social, qui, après s’être vu imposer une augmentation de plus de 200 francs mensuels l’année dernière, est contrainte de constituer chaque année un véritable dossier pour justifier l’occupation de son logement (derniers reçus ou décisions mentionnant le montant de la rente de l’AVS / AI – derniers reçus ou décisions de la caisse de prévoyance professionnelle (LPP) – bouclement des comptes bancaires et/ou postaux au 31 décembre – avis de taxation délivré par l’Administration fiscale cantonale – justificatifs de tout autre revenu brut actuel – justificatif de votre assurance responsabilité civile (RC) attestant que vous êtes actuellement couvert-e-s pour les risques liés à l’objet cité en titre).
Pas facile de mener à bien toutes ces exigences administratives quand on a 95 ans, qu’on est une veuve de très longue haleine, qu’on défend son droit de s’assumer au mieux, que sa descendance est en vacances estivales bien méritées et qu’il vous est demandé de vous exécuter fissa dans les 15 jours (la lettre date du 10 juillet et le dossier devait être retourné «d’ici au 24 juillet»).
D’autant plus que le même dossier a déjà été constitué l’année dernière. Entre 94 et 95 ans, et après 40 ans de droit au logement social, quel événement aurait pu survenir dans la vie de cette dame qui eût radicalement remis en cause son statut. Un héritage de ses parents? Un mariage avec un milliardaire? Un gain à la loterie? Pas étonnant donc que notre vénérable dame laisse filer la date butoir. Or, le 31 juillet, soit 7 jours après le délai du 24 prescrit, lui parvient une nouvelle lettre au ton comminatoire avec, comme entête en caractères gras majuscules, les mots MISE EN DEMEURE et la menace claire d’une possible résiliation du bail au cas où le dossier ne serait pas retourné le 15 août au plus tard.
Nul besoin d’être un expert en communication ou en psychologie du 3e âge pour comprendre que, pour des personnes âgées, les mots «mise en demeure» et «résiliation de bail» sonnent comme un glas. Qu’elles n’ont plus la distance nécessaire pour mettre ces menaces en perspective. Et qu’elles n’ont plus la capacité de répondre à une telle demande dans des délais aussi brefs. Voilà donc notre vieille dame sous le choc. Elle ne dort plus, éprouve des difficultés respiratoires et développe un stress probablement à l’origine d’une violente irruption de zona qui nécessite l’intervention urgente de SOS Médecins et un suivi thérapeutique quotidien qui dure toujours au moment où j’écris ces lignes.
Vous professez «une politique plus efficace en matière d’attribution de logements». On ignorait que l’objectif pouvait être atteint par l’élimination des petits vieux. Plus sérieusement, ne pourriez-vous pas demander à vos fonctionnaires, si ce n’est un changement de ton dans la correspondance, du moins une vérification préalable et une prise en compte le cas échéant du profil du destinataire. Le sentiment d’indignité ressenti par une personne âgée d’être mise en demeure, ajouté à l’image de soi fortement ébranlée par ce qu’elle entend comme une mise en accusation et une menace d’être jetée à la rue, peuvent engendrer de graves complications de santé. Vous êtes la première à exiger, et vous avez bien raison, le respect du genre, de la race, de la religion. Mais vos services semblent oublier celui des personnes âgées...
Votre action politique «menée dans l’intérêt public, permet d’améliorer réellement le quotidien des citoyen-ne-s» prétendez-vous dans le site mentionné en introduction. Pour cette vieille dame dont je viens de raconter la mésaventure et qui se retranche depuis «du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit», sachez que vous êtes très loin du compte, faute d’une cohérenceentre une décision légitimée (en droit) et son application administrative brutale et contumélieuse.
L’engagement dont vous avez fait preuve durant vos mandats démontre que votre militantisme, fort heureusement, ne s’est pas limité à votre grossesse. On s’en réjouit. On peut donc être légitimé à penser que, si vous lisez ces lignes, vous saurez rectifier le tir avec l’énergie que professe votre «politique volontariste» et remettre, là où il est nécessaire, un peu de bon sens administratif dans votre département.
Recevez, Madame la conseillère administrative, mes meilleures salutations.
08:35 | Lien permanent | Commentaires (17)
Commentaires
Bravo Pierre! Encore une fois, une petite merveille. Tellement juste et si bien écrit . Espérons que Mme Salerno t'entendras avant d'avoir atteint l'âge de cette brave dame. Je suis certain que tu sauras la rassurer.
Écrit par : Duval | 22/09/2013
Quand les régies Genevoises vont elles respecter la loi federale en appliquant automatiquement des baisses de loyers suite au baisse de taux?
Politiciens de gauche, UDC, MCG, tout ça c'est de la racaille qui prétend défendre les genevois, mais protégent des voleurs. La trentaine d'appartements libres du chemin de la montagne est elle comptée dans 0,0001 d'appartements libres a Geneve.
Écrit par : Eric | 22/09/2013
"Pour cette vieille dame dont je viens de raconter la mésaventure et qui se retranche depuis «du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit»,"
Cela rappelle étrangement une chanson de Jacques Brel...Un grand lui...
On croit souventque les paroles d'une chanson s'envolent et s'oublient...
mais la réalité nous les ramène crûment.
Écrit par : Exprof | 22/09/2013
excellent!
Écrit par : afshar | 22/09/2013
Quand on pense au nombre de copines, copains,relations, fonctionnaires logés avantageusement par toutes sortes de subterfuges et "combines" et que l'on voit l'acharnement exercé sur une pauvre vieille dame, on a envie de vomir.
Écrit par : A. Piller | 22/09/2013
Il n'y a pas qu'elle, il faut voir avec qui elle s'est entourée, pas loin des camps staliniens, depuis qu'elle a fait un stage chez son ex-ami, soutient du hamas et du hizbollah, elle a prit de la graine !
Écrit par : Corto | 22/09/2013
Si nos élu(e)s se sentent légitimé(e)s à exercer une telle terreur sur nos aînés, rien n'exclut que l’irrespect et les incivilités se généralisent dans leur quotidien ; dans les transports publics, par exemple, où les places assises ne leur sont plus dévolues, ou sur la chaussée, où des automobilistes manifestent, à grands coups de klaxons, leur agacement devant les pas lents et mal assurés des handicapés ou des “petits vieux“.
Je salue cette mobilisation pour le respect de tous et la dignité de nos aînés.
Écrit par : Do Vercalais | 23/09/2013
C'est juste honteux! Mais cela ne me surprend pas. J'ai dans les mains le dossier d'une famille de braves gens vivant dans la crainte d'une résiliation de bail pour avoir commis un crime grave: La maman a écouté son coeur, il y à quelques années et hébergé sa fille, son gendre et leur bout de chou lorsque le gendre fut dans les problèmes.D'abord, résiliation de bail parce que maman n'avait pas annoncé cette "sous-location" et passait du temps chez son nouveau compagnon pour ne pas envahir le jeune couple. Hé oui, maman n'avait pas comprit que d'accueillir sa fille (qui avait grandi dans cet appartement) était illégal.Il y à 3 ans, le jeune couple, pour se mettre en règle, a déposé une demande de logement conjointe à une demande de transfert de bail signé par la maman. Le dossier est clean, nickel chrome, le jeune couple en est au 2eme bébé...tout devrait bien se passer, non?
NON! Car la GIM, dans sa grande bonté a décrété que c'est elle seule qui décide QUEL appartement elle va leur attribuer!
Et refuse d'attribuer le logement déjà occupé.
La maman, entre temps, est fiancée avec son nouveau compagnon et ne peut quitter ce logement sous peine de se voir notifier une nouvelle résiliation de bail.Avec augmentation de loyer bien sur puisque entre temps le beau-fils a retrouvé un travail et les revenus sont cumulés.
Donc toute cette petite famille vit depuis 3 ans sous tensions, obligée de cohabiter et le jeune couple devrait envisager de subir un déménagement, avec leurs deux petits bout de choux, frais inévitables, fatigue etc...si un jour la GIM veut bien leur attribuer un autre logement.
Ailleurs.
Loin de préférence du quartier où ils ont leurs habitudes, amis...
Et la maman et son fiancé ne peuvent vivre leur amour ensemble.
J'ai demandé à Mme Salerno de voir ce qu'elle pouvait faire.
Elle m'a répondu qu'elle allait voir le dossier.
Ne voyant rien changer, 1 mois plus tard, je repose la question, et demande quelles sont les chances pour ce couple de voir leur demande acceptée.
AUCUNE! s'est échappé en cri du coeur des lèvres de Mme Salerno, qui se reprend et déclare; -.je vair voir avec Mme Garbani.
Toujours aucune nouvelles!
Il y à aussi le petit cordonnier rue de Lausanne à qui le bail est résilié "parce qu'il faut rénover l'arcade"!
Les 2 petits cafés dont on vire les exploitants sous des prétextes bidons pour y mettre des copains.
Bref: Politique de gauche à la Ville, c'est ça?
Hé bien, ce n'est pas joli-joli!
Écrit par : Mireille Luiset | 23/09/2013
@Piller
C'est aussi à cela que sert l'engagement politique. Un business comme un autre.
Écrit par : Mère-Grand | 23/09/2013
Non, on peut pas dire que ça bosse pas à la GIM, juste faire chier les locataires par tous les moyens, les humiliations à tous les étages et le copinage pour les plus beaux apparts, la gauche à débarqué, c'est pas compliqué. Ils veulent broyé l'esprit genevois, parce que dans le fond, on est pas si cons !!
La question est : mais qui peut bien voter pour de tels mafias totalitaires ?
Lors des prochaines élections, les votes sanctions seront de mise, les bulletins Solerno, à la poubelle, arrêtons le massacre, on veut pas finir comme en Syrie !
Écrit par : Corto | 23/09/2013
Je ne comprends pas ceux qui s'étonnent. Cette dame pue la combine à 100m. L'affaire Garbani a été le premier maillon d'une longue chaîne.
Dame Salerno est le prototype de l'arrivisme politique. Stauffer eput aller au bac à sable à côté d'elle!
Je n'aime guère son ex-Sommaruga mais je lui reconnais la sincérité de l'engagement et l'honnêté politique. La preuve est la façon dont elle lui a aussi signifié sa fin de bail alors qu'ils ont un enfant ensembles.
Si vous y ajoutez qu'elle l'a viré pour aller avec un libéral promoteur immobilier et èrend le contrepied total de Sommaruga sur le plan politique au moyen orient vous avez très vite compris à qui vous avez à faire.
Ce qui m'afflige c'est que le PS pour qui je vote habituellement puisse passer sur des faits qui autant à contre sens du respect et de la modestie pronée par le parti.
Penser que le PS en est réduit à nous proposer ça et Apothéloz on se dit que Chavannes, Treina et Donzé doivent danser la gigue là haut.
Pour moi le PS 2013 ne mérite plus un seul conseiller d'Etat. Il n'y a guère ue Deneys qui sauve les meubles et encore.
Alors vous voyez à quel rang de préoccupation se retrouve votre petite dame!
Cela me rappelle d'ailleurs un certain conseiller d'Etat viré en cours de route qui avait fait la même chose du côté de plainpalais. Lui avait fait le voyage matrimonial inverse. Il a quitté son épouse et deux enfants pour une juge.... socialiste. Comme quoi le MCG n'est certainement pas ce qui y a de pire, ni l'UDC avec ses affiches!
Pauvre Genève.
Écrit par : andré Mattei | 23/09/2013
Cher Monsieur,
C’est avec intérêt que j’ai lu la lettre ouverte que vous m’adressez. Si vous me le permettez, je souhaiterais y apporter quelques éléments de réponse.
En 2009, la Gérance immobilière municipale (GIM) a adopté un nouveau règlement (LC 21 531) afin de rendre plus transparente la location de logements à caractère social en Ville Genève. Ce règlement permet en particulier de définir le montant des loyers en fonction du revenu du ménage ainsi que du taux d’occupation de la surface. Il fixe également que toute modification du revenu familial entraîne une adaptation du loyer effectivement dû, à la baisse comme à la hausse. En cela, il se veut beaucoup plus juste et plus social.
Depuis 2010, les locataires de la GIM sont amenés à signer ce règlement. Ce faisant, chaque locataire prend connaissance de ses nouvelles obligations légales, parmi lesquelles figure la nécessité de fournir, chaque année et sur simple demande de la GIM, des renseignements permettant de déterminer le revenu et la fortune du groupe familial ainsi que le nombre de personnes faisant ménage commun avec lui. Cette obligation s’impose à l’ensemble des locataires, quel que soit leur âge. Les revenus AVS sont, en effet, eux aussi soumis à fluctuation (dernier changement en date au 1er janvier 2013).
Dans la pratique, cette nouvelle mise à jour des informations ne pose aucun problème. L’écrasante majorité des locataires de la GIM e en effet bien compris le nouveau système. Naturellement, consciente que pour les personnes âgées cette nouvelle formalité administrative peut s’avérer plus lourde, la GIM envoie – sur simple demande – la lettre de renseignement directement à l’un des membres de la famille ou à une personne de confiance. Par chance, les familles se montrent très solidaires de leurs aîné-e-s et il ne demeure que très peu de situation où la personne âgée doit exécuter elle-même cette tâche administrative. Cela doit être souligné.
Dans le cas que vous évoquez, il est vrai que, sans instruction contraire de la locataire ou de sa famille, la demande de renseignement a été directement adressée à cette locataire âgée de 95 ans, comme cela fut déjà le cas en 2012 et sans que cela n’ait posé à l’époque de problème. Mais cette année, sans nouvelle de la locataire, la GIM lui a adressé une mise en demeure. Vous avez évidemment raison : compte tenu de la situation, cela était très maladroit. Une vérification aurait dû être faite, notamment par téléphone comme cela se fait habituellement pour les quelques personnes âgées gérant elles-mêmes leurs affaires. La GIM s’en est depuis lors excusée auprès de la locataire comme auprès de son fils. Désormais, les communications de la GIM seront envoyées directement au fils de la locataire.
Je sais que les collaboratrices et collaborateurs de la GIM sont très attentifs à ce genre de situation. Mais face au nombre conséquent de dossiers, une erreur peut malheureusement se produire.
Pour terminer, mes pensées vont à cette locataire de 95 ans. Je suis en effet profondément désolée qu’elle ait dû affronter des problèmes de santé et je lui adresse ici tous mes vœux pour un prompt rétablissement.
Avec mes meilleures salutations,
Sandrine Salerno
Écrit par : Sandrine Salerno | 24/09/2013
Je ne sais pas si les électeurs avalerons le coté formel et froid de Mme. Salerno, c'est tellement l'exemple probant de la langue de bois, qu'il faudra en plus transformer la GIM en scierie !
Écrit par : Corto | 24/09/2013
Entre les hausses de loyers consécutives au nouveau règlement, qui a été étendu de manière unilatérale aux locataires, et les lettres à ton comminatoire (comme dans ce cas) pour les personnes qui ne renvoient pas dans les délais les documents, Sandrine Salerno a depuis longtemps oubliée qu'elle était de gauche.
En usant de méthodes dignes des spéculateurs immobiliers, Salerno s'est décrédibilisée auprès de tout les milieux de gauche. Et soyez certain qu'elle n'aurait jamais répondu ici qu'il y avait eu une erreur si elle n'était pas candidate au Conseil d’État, l'exemple que vous donnez n'étant qu'un parmi des centaines d'autres à qui la GIM explique qu'ils peuvent déménager s'ils sont mécontents des hausses de loyers.
Les locataires de la GIM vont donc continuer à subir des hausses de loyers et des menaces de résiliation de baux aussi longtemps que Mme Salerno sévira en Ville, et le parti socialiste pour qui je votais depuis toujours continuera à se passer de mon suffrage aussi longtemps qu'elle exercera la moindre responsabilité publique.
Écrit par : Frédéric | 24/09/2013
Eh bien...houaaa le violon! Si là, on n'est pas en période électorale!!!
Écrit par : Duval | 24/09/2013
"Ce qui m'afflige c'est que le PS pour qui je vote habituellement puisse passer sur des faits qui autant à contre sens du respect et de la modestie pronée par le parti."
Parce que le p"s" est autre chose qu'une machine pour arrivistes? Oui, il y a encore quelques égarés style Holenweg ou Faure. Misère.
"Bref: Politique de gauche à la Ville, c'est ça?"
Cf. ci-dessus.
A part ça, c'est le bon moment pour relancer la dame et pour obtenir une décision. Quand on a besoin de chaque voix...
C'est bien beau d'avoir un règlement. Encore faut-il l'appliquer en toute transparence. Ce dont je doute. Allez savoir pourquoi...
Écrit par : Johann | 24/09/2013
Circulez, rien à voir, juste une de nos ainée bafouée par des fonctionnaires obstinés et aveuglés par leurs carrières !
C'est comme avec les anciens criminels de guerres, "ce n'est pas moi, je ne suis qu'un rouage de la machine".
Quant à la rentabilité financière de la GIM, c'est un peu comme avec les SIG, des millions qui disparaissent et comme réponse, le silence !
Le bilan, tant humain qu'économique de Mme. Salerno est déplorable, rien d'autre à ajouter !
Écrit par : Corto | 25/09/2013