Au pays de Heidi (31/05/2012)
par Jean-Michel Olivier
C’est le propre des livres culte : peu de gens les ont lus, mais tout le monde les connaît. Ainsi de la petite Heidi laquelle, au fil des ans, a déserté nos bibliothèques pour devenir vedette de cinéma (incarnée par Shirley Temple en 1937), de dessin animé (japonais) ou de série télévisée (allemande). C’est-à-dire, peu à peu, un vrai mythe. Il faudrait ajouter : un mythe suisse, tant les valeurs qu’elle incarne (pureté, authenticité, amour de la nature) semblent être celles de ce pays.
Mais qui était Heidi ? Non le produit dérivé qui fait encore vendre et fantasmer, mais le personnage de roman créé en 1880 par Johanna Spiri, une écrivaine zurichoise, grande lectrice de Goethe, Lessing et Gottfried Keller, et amie de Richard Wagner ?
Dans un livre passionnant*, Jean-Michel Wissmer, essayiste et romancier, mène l’enquête en Heidiland, au cœur de notre suissitude.
Pour Johanna Spiri (1827-1901), digne émule de Rousseau, le mal contemporain se loge toujours dans les villes : promiscuité, tintamarre, tentations dangereuses. Pour échapper à cette corruption, il n’y a qu’un remède : se réfugier sur l’Alpe, loin des hommes dénaturés, face aux montagnes sublimes, près des torrents d’eau pure. En un mot : près de Dieu.
L’univers d’Heidi ressemble à celui de son auteur, Johanna Spiri, fille de médecin, prêchant la charité chrétienne et confrontée, quotidiennement, à la douleur et à la maladie. Orpheline adoptée par un vieux fou, qui vit seul sur la montagne, Heidi va grandir dans son petit paradis, puis partir dans l’enfer des villes, en Allemagne, où elle sera la dame de compagnie d’une petite infirme, Clara, qui s’attachera très vite à elle. Au point de venir retrouver son amie sur l’Alpe, quelque temps plus tard, et de connaître enfin les plaisirs purs de la vie rupestre. Miracle ! Grâce à Heidi, cet ange perdu parmi les hommes, Clara retrouvera l’usage de ses jambes et pourra marcher à nouveau !
À la suite de Wissmer (photo de gauche), nous relisons Heidi d’un œil neuf, et souvent ironique (Heidi est une parfaite Putzfrau, qui astique sa cabane jour et nuit, dans un désir obsessionnel d’ordre et de propreté). Nous revenons en Heidiland, ce paradis perdu de toutes les enfances.
Nous comprenons aussi mieux pourquoi elle incarne à ce point les vertus helvétiques : dévouement, compassion, amour de la nature. Sans oublier la pédagogie, autre marotte helvétique, car Heidi sait parler aux enfants, et leur montrer le droit chemin.
On ne lit plus guère Johanna Spiri, et c’est dommage. La petite fille qu’elle a créée a fait le tour du monde. Elle a donné son nom à des plaquettes de chocolat et des briques de lait. Elle a inspiré des films, des pièces de théâtre et même des mangas. En nous, elle restera toujours la part de l’enfance et du rêve.
* Jean-Michel Wissmer, Heidi, enquête sur un mythe suisse qui a conquis le monde, Métropolis, 2012.
PS : Hum, une Heidi moderne s'est glissée, par erreur, dans ce billet. Excusez le blogueur…
09:35 | Tags : heidi, suisse, wissmer, spiri, klum | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Un autre livre avait conquis beaucoup de lecteurs.Polyanna ou le jeu du contentement,ou comment savoir se contenter de peu et savoir le gérer pour mieux appréhender le futur.Dommage il n'est plus édité mais rendrait service aussi à de nombreux parents.
Écrit par : lovsmeralda | 31/05/2012