Le laboratoire intime de JLK (28/04/2009)

Par ANTONIN MOERI

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Quelle bonne idée eurent Vladimir Dimitrijevic et Jean-Michel Olivier de publier en Poche Suisse les considérations de Jean-Louis Kuffer sur la vie, les arts et la littérature. Dans les textes rassemblés ici (que les internautes ont pu lire sur le blog de JLK entre 2005 et 2008), l’auteur va très loin dans l’exploration de certains romans ou de certains films qui le hantent, mais il ne cherche pas tant à décortiquer, à expliquer les livres qu’il lit ou les films qu’il voit (il déteste les blablateurs et autres exégètes diplômés) qu’à nous dire l’émotion qu’il ressent en les lisant ou les voyant. Une émotion particulière qui n’est pas sans rappeler l’effusion du cénobite.
Le lecteur peut naviguer entre l’amour pour Jean-Paul II, la défense de Soljénitsyne ou de Simenon, la méditation murmurée d’un Peter Handke, les multiples escales à Paris (la vitalité radieuse des jardins du Luxembourg), “l’impatience sacrée de Louis Soutter au pays des bureaux alignés”, le baroquisme inventif, “la poésie habitée et frémissante, fraternelle en son regard et généreusement accessible” d’un Marius Daniel Popescu, l’exorcisme purificateur que représente “Les Bienveillantes” de Littell, une longue conversation avec l’horrible fasciste Lucien Rebatet, l’univers empreint de trouble poésie de Fleur Jaeggy et une émouvante évocation de Philip Roth: deux hommes à moitié nus dansant le fox-trot sur une terrasse nocturne.
JLK entretient avec la littérature un rapport singulier, très personnel. Ce qu’il dit du romancier (“Il ne doit pas être trop intelligent ni trop lucide. Sans faire la bête, il doit se laisser aller à la naïveté et aux élans irraisonnés”) pourrait s’appliquer à l’actuel JLK. Il y a d’ailleurs dans ce “Blog-notes” des pages magnifiques: ”La première lumière irisant les crêtes de Savoie de rose foncé, sous le ciel de plus en plus soyeux et léger, de bleus et de blancs dilués”. La mésange que le scribe voit alors n’est pas sans rappeler le chant du merle qui bouleversait Georges Haldas aux mêmes heures matinales.
C’est un livre nécessaire que j’ai découvert en me promenant dans le Salon du Livre de Genève. Un livre de résistance “ouvrant une fenêtre sur le monde” et, dans le même temps, un acte de foi.


Jean-Louis Kuffer: Riches Heures (Blog-notes 2005-2008)  Poche suisse, 2009

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