Le sport, quelle plaie! (22/04/2008)

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 Par ANTONIN MOERI

 

Je me demande parfois si je suis un être de joie. Et à la question Quels sports pratiquez-vous régulièrement ? je réponds tout de go : vélo, canotage, balade à pied. Quand je roule sur un ruban d’asphalte, je dialogue avec le coq du clocher, les nuages et les cerfs-volants. Quand je rame sur le lac, il m’arrive de croiser un goéland majestueusement posté sur un tronc à la dérive. Je ralentis le mouvement et nous nous parlons. Mais alors, d’où me vient l’extrême dégoût du sport-spectacle ? Je veux parler de ces foules qui s’agrègent autour des stades, des patinoires, des courts de tennis et devant les écrans de télévision, de ces supporters peinturlurés ayant abandonné toute dignité pour gesticuler, grimacer, beugler et vider leur vessie ensemble. En effet, on peut se demander pourquoi le sport-spectacle exerce actuellement une telle emprise sur les esprits. Pour Marc Perelman, lecteur attentif d’Adorno et Horkheimer, le sport-spectacle a envahi toutes les institutions et toutes les couches de la société. C’est le principal sujet de conversation dans les cours de récréation, les familles recomposées, les salles des maîtres, les entreprises, les couloirs du Parlement, les files d’attente des grandes surfaces. L’adhésion massive de la jeunesse à cette nouvelle foi, depuis les années quatre-vingt, étonne l’auteur de Le sport barbare. C’est à un véritable retournement politico-idéologique que nous assistons, à une systématique intégration des populations du globe dont le seul et ultime rêve est de s’éclater au milieu d’une foule. Le sport-spectacle réalise une des promesses de cette mondialisation heureuse dont la chute du mur de Berlin accéléra le processus. Une autre promesse s’étant réalisée dans le tourisme de masse, également caractérisé par la grossièreté, l’inculture, la satisfaction des pulsions les plus basses, l’esprit de horde, l’idolâtrie du muscle, l’apathie, le show idiot et pervers.Le constat lucide et sombre de Marc Perelman vient de produire une étincelle dans mon cerveau. Je vais immédiatement saisir mes rames, poser mon skiff sur le gros bleu du lac et rejoindre le goéland. Car une chose est sûre : le palmipède m’attend sur un tronc qui dérive. Nous parlerons des belles athlètes ukrainiennes échevelées, ongles vernis, appels de reins et déhanchements crânes, slip luisant disparaissant dans les plis de l’aine. Nous n’évoquerons surtout pas la flamme olympique.

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