Transition climatique vs transition numérique (11/10/2019)

Par Pierre Béguin

Transition climatique versus transition numérique… ou les aberrations de DIP. Jugez-en!

Transition climatique: le DIP s’achète une bonne conscience. Terminés les échanges linguistiques et autres voyages d’études ou de maturité en vol low cost. Dorénavant, tout pour le train! Personnellement, je cautionne, ne prenant l’avion que le plus rarement possible et sous l’unique contrainte de la distance.

Transition numérique: le DIP, par la voix de sa cheffe Anne Emery Torracinta, demande au Grand Conseil l’acceptation de deux projets de loi de 10 millions* chacun pour équiper les écoles primaires de tablettes numériques, renouvelables dans 4 ans. Comme si les heures que nos enfants passent sur leur portable ou leur tablette sitôt sortis de l’école n’était pas déjà en soi un problème! Comme si la baisse du niveau de lecture et de compréhension de la langue maternelle n’était pas aussi un possible dommage collatéral de l’excès d’internet! Mais bon, pour accrocher le train de la modernité, quelle connerie le DIP ne se permettrait pas?

Quel lien entre ces deux informations, me direz-vous ?

Ce lien, c’est un professeur honoraire de l’EPFL, Joseph Tarradellas, qui nous le donne dans un article paru ce vendredi 11 octobre dans Le Temps. Je cite les passages qui nous intéressent plus particulièrement:

«Selon le think tank The Shift Project, internet représente aujourd’hui 4% des émissions mondiales de CO2, contre 2,8% pour le transport aérien. Or, d’après le cabinet Sandvine, en 2020 le streaming et les jeux en ligne devraient représenter 80% du trafic internet, c’est-à-dire 3,2% des émissions mondiales de CO2, soit 14% de plus que le trafic aérien. Ce qui risque bien d’augmenter à l’avenir car la croissance du streaming et des jeux en ligne est de 9% par an contre 6% pour le trafic aérien

Et notre professeur d’ajouter qu’en 2018 le streaming vidéo a été responsable d’autant d’émissions de CO2 qu’un pays comme l’Espagne, précisant qu’une personne «ayant écouté de la musique en streaming à raison d’une heure par jour aurait engendré, au bout d’une année, une pollution équivalente à celle attribuée à un passager ayant effectué sept tours du monde en avion».

Incroyable! Ma fille cadette, à fin décembre, aura donc engendré, en dépit d'une féroce opposition parentale, l'équivalence énergétique de quatorze tour du monde en avion en 2019...

Conclusion?

  1. La suppression des voyages en avion dans le cadre scolaire, c’est bien. Mais elle n’est qu’une opération «vitrine» sinon vaine, du moins dérisoire lorsque, en parallèle, on équipe nos élèves, sous prétexte de transition numérique nécessaire, d’appareils bien plus gourmands en énergie et en métaux rares – métaux dont l’extraction produit des ravages tant écologique qu’humain, en Chine tout particulièrement (cf. l’ouvrage de Guillaume Pitron: La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique, LLL, 2018).
  2. Nos politiques – et leurs professions de foi avant les élections du 20 octobre en est une parfaite illustration – suivent, par opportunisme ou par bêtise, une pensée unique qui balaie tout point de vue critique, les conduisant à faire tout de travers lors même qu’ils proclament suivre la voie du bien.
  3. En conséquence, on fait politiquement et économiquement tout et n’importe quoi, polluant ici sous prétexte de protéger là, sanctifiant l’électricité sans se demander comment on va faire face à une demande de plus en plus boulimique – que le renouvelable, on le sait, n’arrivera pas à satisfaire –, augmentant le prix de l’essence tout en faisant exploser le numérique vorace en terres rares et en énergie.
  4. Le pourquoi de cette cacophonie? La précipitation irréfléchie dans le sens d’un vent (d’un ouragan) dominant; la défense opportuniste d’une idéologie en lieu et place de la réflexion exigeante; la caution béate d’une véritable Inquisition scientifico-médiatique quand il faudrait défendre la discussion démocratique et la pensée critique.
  5. Dans nos écoles, justement, nos élèves n’apprennent plus à penser mais ce qu’il faut penser – si tant est que la bien-pensance soit une pensée – subissant parfois, dans certains cours – j’en ai eu la preuve avec mes filles –, ce qu’on pourrait appeler un lavage de cerveau à la sauce Greta. Et là encore, au lieu de dénoncer l’exploitation éhontée de la jeune autiste par des activistes et une startup «désintéressés», notre inclusif «Département de la jeunesse» félicite cette GretherJugend qui sèche les cours pour défiler dans les rues.
  6. Quant à émettre le moindre doute – à la suite de nombreux scientifiques liquidés au nom du dogme – sur le grand méchant CO2 responsable de tous les maux, c’est se voir immédiatement taxé d’ignoble capitaliste conservateur à la solde de BP ou d’Exxonmobil.

On vit décidément en Occident, depuis quelques années, une des périodes les plus délirantes – et les plus inquiétantes – depuis la montée du nazisme et la dernière guerre…

Mais je m’arrêterai là. Pousser plus en avant la réflexion nous emmènerait trop loin. Les sottises du DIP suffiront largement pour aujourd’hui.

 

Un premier crédit d'investissement de 10'282'000 francs, destiné à équiper les établissements de l'enseignement primaire et spécialisé de 16'900 tablettes ou équipements mobiles équivalents pour les élèves. Un second crédit d'investissement de 10'642'000 francs, destiné à équiper les établissements de l'enseignement secondaire I et II d'un réseau sans fil et de lots de tablettes ou d'équipements mobiles équivalents

20:12 | Lien permanent | Commentaires (4)