Gilets jeunes (15/01/2019)

Par Pierre Béguin

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Le 21 décembre dernier, conséquence de l’échec du débat politique actuel sur les changements climatiques et du rejet par le Conseil national de la loi sur le CO2, des centaines d’élèves alémaniques sont descendus dans les rues de Zurich, Bâle, Berne et Saint-Gall pour protester contre la passivité du gouvernement face à la crise du climat: «Le changement arrive», «Il n’y a pas de plan(ète) B» ou encore «Notre avenir est en jeu» pouvait-on lire sur les banderoles brandies par les jeunes manifestants.

Du côté romand, on ne veut pas être en reste. Une grève des élèves est donc prévue vendredi 18  pour protester contre l’inaction de Berne face à l’urgence climatique. Une grève que le DIP ne soutient pas officiellement, mais qu’il tolère «officieusement»: les élèves grévistes seront notés «absents non excusés» mais il est demandé aux professeurs de ne pas les pénaliser par une note sanction de 1, comme le prévoit le règlement, en cas de travail évalué.

On ne peut que se féliciter d’un tel engagement citoyen de la part d’une jeunesse que l’on aurait pu croire dépolitisée, cantonnée dans un monde virtuel ou animée par son seul moi triomphant. Je me demande toutefois si on lui a bien expliqué les enjeux de ses revendications. Pour commencer, est-ce Berne qui devrait en faire plus dans sa politique climatique, ou la jeunesse qui pourrait en faire moins dans son propre mode de vie? Car si notre avenir est à ce point apocalyptique - comme on ne cesse de nous le rappeler à chaque fois qu'il faut lever une taxe -, il faudra bien, par exemple, se résoudre à:

Adieu, Google, courriers électroniques, week-end à Barcelone, réseaux sociaux, bouilloires, grille-pain, micro-onde…

Voilà un petit problème arithmétique que je soumets à la sagacité de nos jeunes manifestants:

Sachant qu’internet est le troisième consommateur mondial d’énergie après la Chine et les Etats-Unis; sachant que l’envoi d’un simple e-mail avec pièce jointe représente l’équivalent énergétique d’une ampoule basse consommation allumée pendant une heure; sachant que près de trois mille milliards d’e-mails – sans compter les spams – sont envoyés annuellement par le monde; sachant enfin que la production de 15 centrales nucléaires pendant une heure équivaut à l’envoi de seulement 10  milliards de mails…. Estimez (approximativement) la facture énergétique de la seule production d’e-mails par le monde en une journée.

On pourrait étendre le problème:

Sachant que 600000 heures de vidéo sont ajoutées quotidiennement sur Youtube…

Sachant que plus de 40000 recherches sont lancées chaque seconde sur Google pour un total quotidien de 3,3 milliards…

Sachant que, en 2010 déjà, plus de quatre milliards de messages sont envoyés chaque jour par les utilisateurs sur les réseaux sociaux Facebook…

Sachant qu’un seul Data Center (centre qui traite, conserve, envoie, héberge, etc. les données internet) consomme quotidiennement autant d’électricité qu’une ville de 30000 habitants…

– Eh oui! Sur le net, si l’acte individuel est négligeable, à l’échelle planétaire, l’impact devient astronomique!

Arrêtons-nous là!

Et souhaitons que Berne entende les revendications de nos collégien(ne)s, pour le moins en ce qui concerne une taxe sur les vols low cost (à condition que les produits de cette taxe profitent à notre énergie hydraulique et n’aillent pas se perdre dans l’océan des impôts). Mais si le Conseil national devait appliquer les revendications de notre jeunesse avec toute la rigueur que cette dernière exige, je ne serais pas surpris que, dans une année, des élèves alémaniques et romands prévoient une grève contre des mesures fédérales qui limitent outrageusement leurs libertés en s’attaquant à leur propre mode de vie…

Aïe, je ne devrais pas dire cela! Quelle mauvaise langue suis-je! Et pour commencer, quitte à exiger de la cohérence, je devrais renoncer à écrire des blogs, mesure que j’applique avec succès depuis deux ans… cette petite rechute exceptée. Pardonnez-moi, comme dirait l’autre.

Bonne année tout de même!

 

 

 

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