Vive Chappaz! (07/10/2016)
Par Alain Bagnoud
Pas moins de quatre livres de ou sur Maurice Chappaz viennent de paraître ! Une floraison qui rappelle à quel point ce poète est important.
Commençons par Jours fastes, correspondance entre Maurice Chappaz et Corinna Bille. De 1942 à 1979, les amants, puis les époux, s'écrivent quand ils sont séparés (en général par les vagabondages de Maurice). Nouvelles des enfants, des proches, du quotidien, mais aussi récits de voyage ou évocation de l’œuvre : les deux écrivains communiquent. Ils savent à qui ils s'adressent et se révèlent, chacun avec son caractère, direct pour Corinna, plus stratégique pour Maurice. Il n'y a pas d'affectation littéraire dans leur correspondance, mais une envie d'exprimer au mieux les choses, une manière de se lier à l'autre, de cultiver l'attachement.
En même temps que ces lettres, les éditions Zoé ont eu la bonne idée de republier dans un même volume Testament du Haut-Rhône et Les Maquereaux des cimes blanches, de Chappaz : ils expriment tous les deux la relation du poète à la nature. Le premier texte, paru originellement en 1953, est lyrique et mélancolique. Le ton a changé, vingt-trois ans plus tard, pour Les Maquereaux, polémique, satirique, qui dénonce les promoteurs valaisans et leur recherche du profit. À la fin du volume sont cités quelques extraits de la presse de l'époque : Chappaz y est victime d'un campagne de dénigrement brutale de la part du quotidien valaisan de l'époque. La violence du ton frappe encore : « Le Valais a sa gangrène et son cancer, c'est Maurice Chappaz... » (Entre autres joyeusetés...) Mais les soutiens se manifestent aussi, à commencer par ce Vive Chappaz ! écrit par les étudiants de St-Maurice sur la paroi de rocher qui domine le collège...
À ces livres s'ajoutent deux récentes publications des Editions de l'Aire. Gilberte Favre a été une intime du couple Chappaz-Bille (elle a consacré une biographie à celle-ci et a fait de Chappaz le « Père-Poète » d'un ouvrage personnel : Des Etoiles sur mes chemins). Dans son existence, elle a mené de multiples entretiens avec Chappaz pour la presse romande à l'occasion des sorties éditoriales de ses livres, et l'a souvent rencontré à titre privé. Elle publie ces discussions sous le titre Dialogues inoubliés. Chacun d'eux a un titre thématique (De l'Angoisse, De la Nature, De l’Écriture). C'est très intéressant : Chappaz est un conteur qui a le sens de la formule, ses réflexions ne sont jamais convenues.
Mais j'ai un regret. Les renseignements sur les entretiens manquent : ni date, ni lieu, ni indication d'une première publication éventuelle. Il est vrai que Gilberte Favre s'attache plus à dégager et à expliquer le lien personnel qu'elle a avec Chappaz et son œuvre qu'à créer un livre de références, et abuse un peu des majuscules dans ses présentations : Vie, Poète, Monde, Bonté, Justice, Aventure, Au-Delà, Ciel, Paradis...
Enfin, à L'Aire toujours, Benjamin Mercerat publie Le Paradis et le Désert, qui tente de décrypter le sens et les images des livres de Chappaz en prenant pour axes les deux mots indiqués dans le titre et en les liant à un peu de biographie. Cette étude ne manque pas de panache. Érudite, elle est aussi passionnelle: son intérêt est dans la démarche de l'auteur, qui entretient un rapport personnel avec les textes, lequel n'empêche pas le jugement. Si le critique décortique les grandes œuvres, il décèle par exemple « une certaine facilité des poèmes courts de Tendres Campagnes ». Enfin, le livre se termine par un exercice plutôt sportif : un poème personnel de Mercerat, en tercets d'alexandrins, qui évoque Chappaz et se confronte à lui.
Corinna Bille, Maurice Chappaz, Jours fastes, Correspondance 1942-1979, Zoé
Maurice Chappaz, Testament du Haut-Rhône, Les Maquereaux des cimes blanches, Zoé poche
Gilberte Favre, Dialogues inoubliés, Editions de L'Aire
Benjamin Mercerat, Le Paradis et le Désert, Editions de L'Aire
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