Alice Rivaz, Sans alcool (18/12/2015)
Par Alain Bagnoud
Zoé a la bonne idée de republier en poche un recueil d'Alice Rivaz, qui a paru d'abord à la Baconnière, en 1961. Sans alcool. C'est une excellente introduction à l’œuvre de cette écrivaine importante, qui a notamment donné son nom à un collège genevois, à un prix littéraire et à une rame de l'Intercity pendulaire des Chemins de fer fédéraux.
Les femmes chez Alice Rivaz (1901-1998) ne sont pas des gagnantes. L'auteure qui fut éprise de liberté et d'autonomie, est considérée comme une figure du féminisme. Elle défendit par sa vie et ses écrits la condition féminine. Mais sa stratégie littéraire consiste plutôt à montrer, grâce à des figures de femmes pathétiques, ce qu'une société basée sur le pouvoir masculin fait d'elles : des victimes.
Victimes touchantes, comme l'héroïne de la nouvelle éponyme, Sans alcool. À 44 ans, orpheline récente de ses parents à qui elle est toujours restée inféodée, elle se met à fréquenter les restaurants sans alcool. Dans les autres, évidemment, elle ne songe même pas à entrer. Cette nouvelle habitude lui apporte un regain de joie, d'imaginaire. Il ne se passe rien, elle ne fait pas de connaissance, même si elle a « les sentiments et l'expérience qu'on peut avoir à seize ans ».
Mais bientôt, notre héroïne perd son travail de bureau. Toutes ses tentatives pour se faire réengager échouent : trop vieille. Elle se retrouve démunie, pleine de dettes, sans ressources. Ça se finit mal, évidemment.
Il s'en est passé des choses depuis 1961. Désormais, une femme dans la quarantaine n'a heureusement aucun scrupule à sortir, à s'amuser, à faire des conquêtes, une femme dans la cinquantaine peut revivre une nouvelle adolescence. En 61, une vieille fille de 44 ans est condamnée à la solitude. Elle est enserrée dans un carcan moral, rigoriste, contraignant, comme toutes les héroïnes d'Alice Rivaz.
La nouvelle Sans alcool est composée comme un journal intime. Il y a d'autres techniques narratives dans le recueil, qui montrent la variété du travail de l'auteur : discours indirects libres, récits à la première personne, narrateur inconnu... Des outils grâce auxquels la talentueuse Alice Rivaz parvient à établir le portrait intérieur de ses personnages, à camper leur environnement aliénant, dans une langue élégante parfois mâtinée d'un brin de Ramuz.
Alice Rivaz, Sans alcool, Zoé poche
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