CEVA, mensonges et bande dessinée II (07/12/2015)
Par Pierre Béguin
La toute récente publication d'une bande dessinée satirique sur les tromperies du CEVA nous avait amené hier à en faire un rapide tour d'horizon. Voici la suite promise:
Mensonge sur la création d’emplois
Avant la votation de novembre 2009, un des principaux arguments des milieux libéraux, bien entendu, était la promesse de créations d’emplois et d’importantes retombées financières pour Genève. Un peu comme pour le stade de la Praille, en quelque sorte… Le 30 novembre 2009, au lendemain de la votation, Monsieur Gabriel Barrillier, député radical, ancien secrétaire général de la FMB et co-président du comité Pro-CEVA, jubilait dans la Tribune de Genève: «Ce projet va générer du travail pour mille personnes et l’essentiel sera attribué à des entreprises suisses et genevoises». La poisse! Ce Cassandre de l’économie a oublié la loi qui oblige à faire des appels d’offre dans toute l’Union européenne. En termes de concurrence, Genève ne fait pas le poids! Résultat? Plus de 90% du gros œuvre est attribué à des groupes non genevois, dont 41,1% au consortium Vinci France qui ramasse le jack pot: le traitement des déchets du chantier devisé à 319 millions de francs. Problème: les lieux de stockage se situent dans la région d’Avignon, ce qui nécessite près de 400 kilomètres de camionnage. Le bilan écologique (outre les 1300 arbres abattus) est aussi catastrophique que le bilan économique. On imagine alors une astuce: faire une grande plage entre l’actuelle «baby plage» et la Nautique, histoire de recycler subrepticement une partie des déchets du chantier. Le WWF met le holà à cette proposition écologiquement dangereuse, soutenue pourtant – pour ne pas dire imaginée – par le très vert et inénarrable Bob Cramer.
Mensonge à la commune de Carouge
Ayant judicieusement recouru contre le CEVA, Carouge obtient du Conseil d’Etat, contre le retrait de son recours, la promesse d’un tracé souterrain dans le Val d’Arve. Promesse d’ivrogne, comme il se doit: «Carouge fâchée: l’Etat n’a pas tenu ses promesses» (Tribune de Genève, 8 août 2011). Pensez-vous! Déjà que les coûts explosent, avec l’exigence carougeoise, c’est Hiroshima! Et bien entendu, pour la gare à Carouge Fontenette, faudra faire ceinture, c’est le cas de le dire! En compensation, la gare du Bachet, bien que située au Grand-Lancy à près d’un kilomètre et demi du centre carougeois, est renommée Carouge-Bachet. Un nouveau coup de baguette sur l’axe paradigmatique et le tour est joué! En l‘occurrence, il faut bien reconnaître que les élus carougeois ont fait preuve d’une naïveté hallucinante, et c’est un euphémisme…
Mensonge aux riverains du CEVA
Bien que s’étant engagé contractuellement à respecter les directives fédérales stipulant que les travaux bruyants, au-delà de 45 décibels, ne pouvaient s’effectuer la nuit, les entreprises mandatées poursuivent les forages 24 h sur 24. Des forages qui atteignent 65 décibels dans les chambres à coucher, contraignant pendant des mois tout un quartier, enfants compris, à des nuits blanches très éloignées de Seattle. Les responsables du CEVA commencent par nier toute implication avant d’invoquer une aberrante nuance entre bruits solidiens et bruits aériens pour se disculper, poussant leurs arguties jusqu’au cynisme et à la mauvaise foi la plus crasse. Ni l’OFT ni le DETA, pourtant dûment et intensément sollicités, n’interviennent, cautionnant ainsi un déni de justice inimaginable ailleurs qu’en république bananière. J’ai longuement commenté en début d’année ce lamentable épisode dans Blogres (voir CEVA de bruit et de fureur, et CEVA hors loi notamment) pour ne plus m’y attarder aujourd’hui. Sauf que ça recommence… Après une année de perturbations et d’échecs en justice, les riverains croyaient en avoir terminé avec les bruits. Que nenni! Il faut détruire la dalle en béton ayant servi aux travaux de forage pour poser le revêtement et le radier définitifs. Les bruits sourds de masse qui ébranlent les maisons succèdent à ceux de marteaux-piqueurs qui faisaient entrer les murs en résonnance. Pourtant, un tout ménage émanant des CFF, responsables du CEVA, – un tout ménage que j’ai sous les yeux – précise explicitement que la «démolition de la piste se déroulera durant les horaires standards de journée uniquement». Nouveau mensonge! A la Chapelle, «la nuit remue», et ce n’est pas du Henri Michaux, croyez-le! Un recours est déposé par les riverains en colère au Tribunal administratif fédéral le 17 juin 2015. Tribunal qui tergiverse bien entendu, avant d'ouvrir un œil sous la menace d’un déni de justice. Le 23 novembre 2015, le CEVA répond au maire de Lancy: «Concernant le bruit en lui-même, nous vous assurons que le CEVA respecte la directive sur le bruit des chantiers édicté par l’OFEV, qui ne s’appliquent toutefois pas aux chantiers souterrains, comme ceux des tunnels, qui peuvent provoquer de sons solidiens et non aériens». Double mensonge, cette fois! Là, le CEVA fait fort, qui prétend respecter une directive qui ne s’applique pas, alors qu’en réalité il ne respecte pas une directive qui s’applique.
Les perturbations dues à la construction du CEVA laissent entrevoir celles générées par son exploitation, d’autant plus qu’à ce niveau, à part le tunnel de Champel mieux loti en la matière (eh oui! A Genève, il y a citoyens et citoyens!) on a plutôt rogné sur les budgets, et pour cause! Si l'on en croit le site de l'AMMFG, le coût de mesures anti bruits adéquates serait dérisoire (environ 1% du budget). Dans le tunnel de Pinchat en tout cas, elles ne seront pas adoptées sous le prétexte d'une densité insuffisante d'habitants (alors que le PLQ d'une future densification, lui, est déjà adopté!) La véritable raison, on la connaît: les mensonges sur le budget nécessitent toutes les astuces et arguties pour en limiter les conséquences, quitte à construire mal ce qui a déjà été mal conçu. Une hérésie qui a fait dire opportunément au journaliste Charles-André Aymond sur Léman Bleu le 29 septembre 2011: «A Genève, on pourra s'amuser au calme mais on ne pourra pas dormir au calme». Preuve surtout que le mensonge entraîne le mensonge...
Mensonge sur les coûts d’exploitation
En fait de mensonge, à ce niveau c’est plutôt l’omerta. Ces coûts n’ont jamais été clairement chiffrés. Il y a longtemps, il m’a semblé entendre au passage quelque chose comme 30 millions. Chiffre dérisoire! C’était il y a longtemps… Cela dit, quand on sait que l’exploitation du seul stade de la Praille coûte bonbon et que ce dernier nécessiterait déjà 25 millions pour sa complète remise en état, on peut craindre le pire pour le CEVA. Ce qui semble acquis, c’est que la Convention avec les CFF met à charge du canton, et donc des contribuables, les déficits d’entretien et d’exploitation du CEVA, à payer annuellement, et que le canton devra débourser d’emblée 165 millions censés couvrir la participation de Genève aux frais annuels non supportés par les CFF. La dette n’a pas fini d’augmenter… ou la fonction publique de descendre dans la rue! Voire les deux…
Aux mensonges du CEVA, il faudrait ajouter ceux de la presse qui s’est fait le porte-parole inconditionnel du projet. Ainsi, la Tribune de Genève, fidèle à sa position de paillasson approbateur de la politique genevoise, a longtemps encouragé tout éloge et censuré toute critique. Ce n’est qu’une fois les travaux commencés qu’elle s’est mise à relayer les grognes et les doléances. Mais il a fallu attendre près d’une année pour qu’elle se fasse enfin l’écho du calvaire enduré par les riverains durant les forages de nuit (Antoine Grosjean, dans la Tribune du 26 mars 2015).
Tant de mensonges et d’omerta laissent mal augurer de l’avenir d’un projet qui ne s’est finalement imposé que par tromperies successives, à la hussarde et sans véritables consultations. Et pourtant… je l’ai écrit et répété depuis 2007 dans Blogres: il s’en est fallu de peu pour que ce projet ne tournât en une réalisation bénéfique pour Genève, au lieu de virer progressivement à la pire Genferei de l’Histoire d’un canton qui n’en manque pourtant pas…
Il nous reste à remercier l’AMMFG, et son président M. Wolfang Peter, de se faire l’observatoire et la mémoire des errances du CEVA, et de nous en restituer les mensonges de manière ludique, au travers d’une bande dessinée satirico-comique très bien illustrée, en 64 pages aussi pertinentes qu’impertinentes, par le dessinateur genevois Simon Tschopp. Intitulée Super CEVA dans la ville, elle est disponible pour la modique somme de dix francs dans les librairies Payot et dans les kiosques Naville. Achetez-là, c’est un devoir de citoyen!
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08:20 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
On savait que les magouilles et mensonges avaient trompé le peuple genevois lors du référendum. Mais on n'osait pas penser au niveau de ces magouilles et mensonges !
Ce n'est pas au carré ni au cube mais à la puissance "n", avec "n" tendant vers l'infini, qu'il faut évaluer cette immense tromperie! Et dire que certains margoulins ont même été réélus pour la Berne Fédérale ! C'est à vomir.
Écrit par : Exprof | 07/12/2015