colère moteur (01/09/2015)
par antonin moeri
Imre Kertesz et Thomas Bernhard ont un point commun: une haine viscérale et infinie pour le pays dans lequel ils vivent: La Hongrie pour Imre, l’Autriche pour Thomas. Y aurait-il un équivalent en Suisse? Peut-être bien, mais il ne s’agit pas d’un écrivain de race: je veux parler de Ziegler, ce sociologue qui s’écoute parler et à qui poussent des ailes dès qu’il peut vilipender les banquiers et signaler le présence de millards de dollars dormant dans les banques helvétiques. Mais honnêtement, pourrait-on s’enflammer contre ce petit pays nommé la Suisse?
Ce que Imre dénonce dans la Hongrie actuelle, c’est la brutalité des gens qu’il observe dans le tramway, leur lâcheté, leur bêtise grégaire, leur méchanceté envers l’individuel, la soif de sang qui réagit au moindre signe de faiblesse, toujours prête à tuer... Thomas, lui, attaquait avec virulence les responsables politiques socialistes bedonnants et chauves de son pays, il attaquait également les institutions culturelles, son chef d’oeuvre étant peut-être Holzfällen, livre dans lequel TB dresse un portrait au vitriol du marigot cuculturel viennois...
Il fait défiler devant nous une galerie de gendelettres, chacune et chacun se prenant pour une diva ou un grantécrivain parce qu’il a reçu un jour un prix régional, obtenu une articulet dans un quotidien régional ou une bourse d’un quelconque institut... La charge la plus violente est dirigée contre une femme qui se prend pour Virginia Woolf, une femme à l’égo surdimensionné qui tire sur sa cigarette avec fureur, les yeux plissés par l’envie et le ressentiment...
La question que je me pose en lisant les livres de Kertesz et ceux de Thomas Bernhard: Pourquoi les plus pessimistes, ceux pour qui «le monde est tombé au niveau des animaux et que rien ne pourra freiner dans sa chute», pourquoi ce sont ces écrivains-là qui ont le plus de vitalité, le souffle le plus ample, le style le plus raffiné, l’observation la plus aiguë, le geste le plus précis et l’énergie la plus farouche...??????
Imre Kertesz: Sauvegarde, Actes Sud 2012
Thomas Bernhard: Des arbres à abattre, Folio 1997
10:45 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
"Pourquoi les plus pessimistes,[...] ce sont ces écrivains-là qui ont le plus de vitalité,"
Parce que les pessimistes sont des désespérés qui ne se "résignent" pas :
" [...] une certaine continuité dans le désespoir peut engendrer la joie.
[...] l’espoir, au contraire de ce qu’on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c’est ne pas se résigner."
Albert Camus, Noces.
Écrit par : Ambre | 03/09/2015