Antoinette Rychner, Le Prix (27/02/2015)
Par Alain Bagnoud
Antoinette Rychner n'a pas choisi la facilité avec le personnage principal de son roman Le Prix. C'est un sculpteur dont on suit le monologue intérieur. Sa grande ambition est de recevoir un prix qu'on comprend être prestigieux, et toute son existence, toute son activité tournent autour de cette marque de reconnaissance. Mais ce qui pourrait sembler une histoire réaliste et cruelle devient, grâce à la fantaisie et à l'écriture d'Antoinette Rychner, une fable drolatique. Et faute de se sentir proche du personnage principal, on finit par se moquer de lui comme on se moquerait de nous-même...
Ce n'est, on s'en rend compte assez vite, pas un hasard si le roman commence par la description du nombril du personnage, nombril blessé qui reviendra dans le livre. Antoinette Rychner ne lésine pas sur les symboles. Plus tard, le sculpteur portera l'œuvre qu'il crée sur son ventre comme un bébé en gestation, elle sera soudée à sa chair...
Mais on n'en est pas encore là. Au début du roman, une lettre type vient d'annoncer au sculpteur qu'il n'a pas reçu le Prix. Du coup, il en devient sourd. S'ensuit tout un retranchement sur lui-même. Il refuse de s'occuper de son enfant (Mouflet), mène la vie dure à sa femme... Suivent les affres de la jalousie, la difficulté de créer encore, la naissance d'un deuxième enfant, Remouflet, puis un travail accepté dans une galerie. Mais la vision d'une œuvre de son rival le fait replonger dans la création et reparticiper au prix... Pour le suspense, on s'abstiendra de dire si, en fin de compte, il l'obtiendra.
Bien entendu, ce héros résonnera en tous ceux qui ont des velléités créatrices. Beaucoup se reconnaîtront en lui. Les histoires de jalousie, de narcissisme, les questionnements sur sa propre valeur, le sentiment d'injustice parce que quelqu'un dont on n'estime pas le travail a obtenu une récompense que nous pensions mériter, tout ça fait partie de la vie artistique. De même, l'égocentrisme du personnage est fondé sur quelque chose de noble, la volonté de créer une œuvre qui chante, qui soit une réussite, et son combat pour trouver le temps de créer est celui de beaucoup de gens.
Du coup, le livre de Rychner mettra du baume au cœur de tous les acteurs culturels. S'ils sentiront le ridicule de leurs ambitions et de leurs entreprises, ils riront de leur caricature, se sentiront pénétrés de leur propre générosité, de la grandeur de leurs visées, trouveront peut-être enfin une justification à leur égoïsme... Salutaire livre, qui réhabilite en fait tout un secteur de l'activité humaine !
Antoinette Rychner, Le Prix, Buchet et Chastel
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