CEVA et citoyenneté (18/01/2015)

 

Par Pierre Béguin

 

Si nous devions reconnaître à la construction du CEVA un grand mérite, ce serait de souligner à l’évidence ce que tout le monde pense tout bas: il y a deux catégories de citoyens, pour le moins. Et c’est ce que nous allons voir…

Donc on construit deux tunnels. L’un à Pinchat entre le Bachet et Carouge Fontenette, l’autre sous la colline de Champel, sitôt après l’Arve. Le tunnel de Pinchat, à la Chapelle du moins, atteint une profondeur maximum de 18 mètres, celui de Champel d’environ 40 mètres. La fin des forages au tunnel de Pinchat est planifiée pour l’été prochain, les forages au tunnel de Champel accusent deux ans de retard.

Voilà pour l’énoncé. Maintenant posons le problème:

Si l’on devait prévoir davantage de moyens acoustiques et accélérer les forages dans l’un des deux tunnels, lequel devrait-on choisir? «Trop fastoche!  répondrait n’importe quel cancre, le tunnel de Pinchat…» C’est évident, sauf pour nos autorités et les responsables du CEVA qui, en l’occurrence, remportent la palme de la «cancritude».

Car on a retiré des ouvriers du tunnel de Champel pour les mettre dans le tunnel de Pinchat où l’on fore toute la nuit (cf. CEVA de bruit et de fureur), contrairement au tunnel de Champel où l’on épargne le sommeil des habitants. Et alors que le tunnel de Champel est beaucoup plus profond, on a prévu pour l’exploitation du CEVA davantage de protections acoustiques que dans celui de Pinchat où la profondeur moindre laisse entrevoir la possibilité de nuisances.

Que faut-il en conclure? Sottise? A Genève, ce ne serait guère surprenant, mais tout de même… Alors? La rumeur prétend que les habitants de Champel auraient négocié le retrait de leur recours au profit d’une garantie accrue contre le bruit des trains. Mais la rumeur, on le sait, est si malveillante… Peut-on croire que, dans notre République, certains quartiers ou certaines communes sont systématiquement épargnés? Tandis qu’en d’autres lieux, les droits des citoyens sont bafoués? Purs propos de Café du Commerce, bien sûr…

Il n’en reste pas moins que si La Fontaine et Blaise Pascal habitaient Genève, ils auraient pu écrire, le premier nommé: «Selon que vous serez de Champel ou d’ailleurs…», le second: «Bruit en deçà de l’Arve, silence au-delà». Eh oui! Une certitude: pour nos autorités politiques, le citoyen de la Chapelle est beaucoup plus dommageable que celui de Champel. Même en ce qui concerne les centimes additionnels. Qu’il n’ait pas en plus l’outrecuidance de s’en plaindre et de demander une égalité de traitement!  Mais chuuuuut! Il est des choses  qu’on ne peut pas dire, surtout si elles sont vraies. On ne dira donc pas qu’on prévoit, pour le même projet, deux types de tunnel pour deux catégories de citoyens…

A part ça, dans les commentaires sur mon billet précédent CEVA de bruit et de fureur, une personne propose une solution amusante: que celles et ceux de la Chapelle qui ne peuvent dormir à cause du forage incessant se rendent sur le palier ou sous les fenêtres des responsables de projet et des autorités! Le message est donc lancé aux responsables: si vous n’allez pas à la Chapelle, la Chapelle ira à vous. Avec le sonomètre. Mais jusqu’à 60 décibels, donc, pas davantage! Promis?

Cela dit, ces bruits n’auront rien de solidiens. Et dans cas, contrairement à ce qui se passe à la Chapelle, l’intervention de la police sera autorisée. Entre collègues, faut bien s’entraider…

 

 

 

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