une heure avec Proust (13/01/2014)

 

par antonin moeri

 

 

Qui n’a jamais entendu parler, une fois ou l’autre, du septuor de Vinteuil, de la «petite phrase», des pommiers en fleurs, de la madeleine trempée dans le tilleul, du pavé mal équarri? Eric Werner replace ces épisodes dans le parcours d’un homme qui a passé une grande partie de sa vie à fréquenter les salons, à répondre à des invitations, à converser agréablement, à séduire et qui, ne trouvant un jour plus de sens à sa vie, ne croyant plus à la littérature (alors que, dès l’enfance, il a rêvé de devenir écrivain), perd ses illusions, cesse de projeter son propre désir sur la réalité qui l’entoure, déprime, fait des séjours dans des maisons de santé. Mais que peuvent les médecins contre le désenchantement? demande Eric Werner.

C’est précisément entre deux séjours en maison de santé que «Marcel», de passage à Paris et se rendant à une invitation, fait une expérience décisive: Il trébuche sur un pavé mal équarri. Ce trébuchement réveille en lui des souvenirs liés à un séjour qu’il avait fait à Venise. Une immense joie l’envahit en revoyant la Basilique San Zanipolo, le Lido ou le Palais des Doges. L’horizon s’élargit soudain, les portes s’ouvrent sur un univers qu’il porte en lui. Les doutes qu’il nourrissait au sujet de la littérature et de son talent en ce domaine sont levés. Cette émotion et sa mise en mots vont donner une certitude à Marcel: «La seule vie pleinement vécue, c’est la littérature».

Dès lors, il renoncera à la vie sociale, il choisira l’écart, la solitude et le silence pour réaliser son projet: écrire «La Recherche» qui est, avec «L’Homme sans qualités» (pense Werner) «l’oeuvre littéraire la plus importante du XX e siècle». Le propos clair et incisif de l’auteur de ce petit livre aux illustrations magnifiques, ce propos fait mouche: le lecteur n’a qu’une envie: relire plus attentivement ce grand roman de la désillusion et du réenchantement par l’art.

 

Eric Werner, «Une heure avec Proust», Editions XENIA, 2014

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