Mémoire de mes putains tristes (08/12/2013)
Par Pierre Béguin
Première évidence: Garcia Márquez a le sens du titre. Mémoire de mes putains tristes ne dépare pas d’autres titres devenus emblématiques, de Cent de solitude à Chronique d’une mort annoncée.
Deuxième évidence: Garcia Márquez a le sens de l’humour. Un humour qui, dans ce petit roman, côtoie sans cesse la tendresse et maintient le récit aux antipodes de la trivialité, en dépit des risques de dérapage inhérents au sujet.
Troisième évidence: Garcia Márquez a le sens de l’accroche: «L’année de mes quatre-vingt-dix ans, j’ai voulu m’offrir une folle nuit d’amour avec une adolescente vierge». La première phrase dit tout. Quel lecteur n’aurait pas envie de continuer? Et quelle lectrice aussi? Allez! Tout romancier le sait: la première phrase est déterminante, elle donne le ton, elle conditionne la suite. Après, c’est comme une source sortie de terre et qui s’écoule... Prenez n’importe quel roman du Prix Nobel colombien et vous aurez cette impression.
Quatrième évidence: Garcia Márquez a le sens de la narration. Construite sur un canevas très mince, l’histoire ne perd jamais de son intérêt, la truculence et la malice des personnages concourent grandement à ce miracle: «La morale est aussi une affaire de temps» avait dit Rosa Cabarcas, la patronne du bordel, au narrateur qui n’avait jamais cédé à une telle invitation: «Tu verras!» C’est tout vu! A quatre-vingt-dix ans, il cède... et demande l’impossible: une pucelle, pour le soir même...
Inutile d’en dire plus. Que celles ou ceux qui n’ont pas encore lu ce petit roman fassent amende honorable. Que les autres, comme moi, le relisent! Les tristes journées de fin d’automne en seront embellies...
Gabriel Garcia Márquez, Mémoire de mes putains tristes, Livre de Poche, 2005
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