Bingo de Moeri au Théatricul (06/09/2013)

 

Par Alain Bagnoud

Blaise Granget

Sans doute n'y a-t-il plus aucun lecteur de ce blog qui ignore que la troublante pièce Bingo d'Antonin Moeri est jouée en ce moment. Nous y étions, mercredi passé, le lendemain de la première, pour une représentation magnifique suivie d'un débat avec l'auteur.

Dans la pièce, Blaise Granget incarne Bobby, un jeune délinquant qui s'est imposé à Antonin Moeri par un biais biographique. Notre auteur avait enseigné à un jeune homme rebelle, soutenu par une mère absolue. Quelques années plus tard, il apprend que cet ancien élève a tué quelqu'un dans une baston. Pour tenter de comprendre le geste, Moeri a créé Bobby,

Bobby se confesse. Il est dans la cellule d'une prison préventive et parle, à lui-même, ou à un interlocuteur fictif, ou au public d'un théâtre, parce que « ça fera passer le temps, on mourra moins vite, on prolongera jusqu’à l’aube ».

Nous sommes ainsi mis au courant de sa trajectoire. En gros : père minable viré par la mère, relation incestueuse du fils avec celle-ci, ascolarisation, petite délinquance, élevage de pitbulls, embrouilles avec une bande rivale, baston finale. Ça semble un peu cliché ? Ça ne l'est pas du tout.

À cause d'abord du langage, du flux verbal qui travaille sur l'oralité, qui recrée un langage imagé, avec des trouvailles, des cocasseries, du rythme.

À cause ensuite de la densité humaine de Bobby. Moeri le rend complexe, lui met des envies de tendresse et un paradis perdu dans la tête, qui revient de façon récurrente : un voyage en Italie pour voir la famille de son père, quand celui-ci s'entendait encore avec la mère, « la traversée des Alpes, moi sur la banquette de skaï imitation zèbre, j’étais aux anges, mes vieux s’aimaient, en tout cas, ils donnaient l’impression, elle lui faisait des câlins, il grognait comme un matou, je me demandais parfois jusqu’où on irait, si la bagnole tiendrait le coup ... ».

À cause aussi de l'acteur, remarquable Blaise Granget, d'une animalité et d'une innocence inquiétante, bien dirigé par le metteur en scène Cyril Kaiser. Le jeune comédien qu'on a vu dans un Misanthrope monté à la Fusterie en 2011 ou dans La résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht, à Vidy, en 2012, compose un personnage candide, énigmatique, complexe, et fait une performance superbe, seul sur scène pendant une heure.



Théâtricul, Rue de Genève 64, 1225 Chêne-Bourg. Arrêt "Peillonnex"

du 3 au 15 septembre 2013 tous les soirs sauf le lundi, du mardi au samedi à 19h, dimanche à 17h

Réservation



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