Valérie Poirier, ivre avec les escargots (24/05/2013)
Ce livre est né d'une circonstance heureuse. Il existe dans le canton de Neuchâtel une Association pour l'aide à la création littéraire (AACL), qui « vise à constituer, à raison d'un ouvrage par an, une collection d'auteurs neuchâtelois invités à traiter du thème du temps en résonance avec un lieu vernaculaire, nommé ou non, de leur choix. » Ce qui veut dire, en bref, qu'elle finance un auteur pour écrire sur la région.
Heureuse initiative, qui a donné des livres intéressants. On en trouve la liste sur le site des Editions d'autre part, qui les publie fidèlement depuis 2001.
Contactée par cette association, Valérie Poirier, qui vit actuellement à Genève et écrit pour le théâtre, est retournée à la Chaux-de-Fonds, où elle avait séjourné dans les années 70. Ce rapatriement est la matière du premier texte de son recueil, Ivre avec les escargots.
La narratrice retrouve la ville trente ans plus tard, arpente ses rues, repère des bâtiments qui évoquent ses souvenirs, retrouve des visages ou des personnes, confond la mère et la fille vieillie... Et c'est parti pour une suite de textes qui relatent ses années écoulées entre l'enfance et l'adolescence, lorsque la narratrice et sa mère habitaient dans la ville du haut.
Plus que de nouvelles, on pourrait parler d'un petit roman autobiographique éclaté, cohérent. On trouve une véritable unité dans ces fragments, unité de temps, de lieu, de thèmes, de ton, donnée par un regard, une expérience, une personnalité.
L'observation de Valérie Poirier a l'avantage de l'exotisme : née à Rouen en 1961, elle est française, ce qui marquait sa différence avec les gens du lieu. Autre singularité : elle vivait seule avec sa mère.
Ces petits décalages nourrissent une vision distante, ironique, pénétrante. Valérie Poirier fait revivre l'ambiance de ces année post-hippies, plus ou moins teintées d'ardeur révolutionnaire, enfoncées encore dans le conformisme des générations précédentes.
Ceux qui ne les ont pas vécues découvriront ainsi l'esprit d'une époque. Les autres s'y retrouveront avec plaisir, emportés par la langue de Valérie Poirier, qui ne s’embarrasse pas de nostalgie, vise plutôt au récit enlevé.
De plus, ces récit apportent postérieurement des découvertes à la gent masculine. Votre serviteur les a faites, qui est sensiblement de la même génération que l'auteure.
A maintes reprises, en la lisant, il a eu des révélations rétrospectives. Des mystères se sont éclaircis, des arcanes lui ont été révélées, des comportements lui sont devenus soudain clairs. « Ah, c'est comme ça qu'elles pensaient à l'époque ! »
Mais elles prenaient bien soin de cacher.
Valérie Poirier, Ivre avec les escargots, Collection lieu et temps, Editions d'autre part
13:53 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Hé oui, ou plutôt elles n'ont pas envie d'en parler. Mais certaines le font, parfois, elles ont envie de formaliser leurs connaissances.
Écrit par : Rémi Mogenet | 24/05/2013