Jean-Jacques Bonvin, Larsen (24/02/2013)

 

Par Alain Bagnoud

jean-jacques bonvin, LarsenLarsen est une plongée dans une Amérique qu'on a peu l'habitude d'écrire.

L'Amérique profonde ? Effectivement, ça va profond, bien profond. Ça soulève le décor, on est plus loin, quand les conventions, les rêves, les topos ont explosé.

Larsen, de Jean-Jacques Bonvin. Un autre texte du même auteur chez Allia désorganisait les poètes de la beat generation autour de la figure de Neal Cassady. C'était Ballast, excellent.

Ce livre suit et prolonge. Sinon qu'on se trouve chez ceux qui n'ont pas le prétexte de l'art et la sauvegarde de l'écriture pour justifier une vie qui va, de toute façon, vers la catastrophe.

Larsen, c'est le surnom d'un personnage. Un Suisse ex-taulard qui s'est installé depuis des décennies en Californie. Là-bas, il est une ombre : plus de permis, pas de papiers, plus d'identité officielle. Mais une vitalité. Énorme. Il construit, démonte, cultive, répare, arrange.

Un premier petit empire a été édifié. Mais tout a disparu, incendié : sa maison, ses objets, ses machines. La faute à un court-circuit des puissantes lampes installées au sous-sol pour faire croître les plantations en serre, puisque, en plein air, les hélicoptères patrouillent...

Le désastre n'a pas découragé notre homme. Il a recommencé, à côté, sur un autre terrain qui appartenait à sa femme. Pas tout seul. Autour de lui, il y a sa fille et une tribu de zouaves, des phénomènes, des allumés qui ont souvent abusé de substances.

jean-jacques bonvin Un narrateur raconte ce séjour presque onirique dans une langue sans déchet. Pas de gras, directement à l'os. Ce narrateur, qui lit Roberto Bolaño est un ami de jeunesse de Larsen, et lui rend visite.

Le milieu où il se retrouve, on sent que ce n'est pas le sien, pas exactement. Avec un mélange de ferveur, de distance, d'amitié, de fascination, il passe trois semaines là-bas, observe la tribu qui manucure les plantes de marijuana pour écarter les parties ligneuses, se fait emmener par eux à une soirée poétique ou dans un parc à phoques, élabore dans un état second des projets qui s'évanouissent.

Trois semaines ou trente ans ? Les époques se superposent, les souvenirs se confondent. Il y a une lutte constante entre le sens et l'irrationnel, entre la construction et l'entropie, la créativité et la folie, la vitalité et la désorganisation.

Larsen, l'hallucination américaine. Le sens de la survie. La furie d'entreprendre dans le désastre.

Larsen, phénomène physique de rétroaction acoustique.

 

Jean-Jacques Bonvin, Larsen, Allia

18:32 | Lien permanent | Commentaires (1)