Testament d'une race II (25/12/2012)

 Par Stanislas Kowalski

2. l’interrogatoire

La guerre fait rage depuis peu, après un succès limité, les défaites ont commencé à se succéder pour le pays de Mania. Un mercenaire ennemi a été capturé.

 

La mère, pourtant, était devenue folle et ce ne furent pas tant ses propos incohérents qui nous permirent de reconstituer la scène que le témoignage de deux jeunes gens, qui avaient alerté la troupe la plus proche et rendu possible la capture de ces monstres.

Qu’espéraient-ils donc de ces atrocités ? Nous faire peur ? Nous faire fuir ? Peut-être qu’au fond, ils n’en attendaient rien, plus rien. Etaient-ils foncièrement cruels, le sont-ils devenus ? Cela me fait mal aujourd’hui de me poser cette question… Reprenons nos esprits. Peu importe leurs motivations, s’ils en avaient. Tout ce que je peux te dire, c’est notre colère. Après cela, nous nous battîmes sans espoir de pitié, sans en montrer non plus.

Le garde, en entendant l’acte d’accusation, oublia son rôle et se mit en colère lui aussi. Il arracha les vêtements du barbare pour l’humilier. Celui-ci se redressa avec un sourire pervers. Son corps, même dépouillé, n’était pas vraiment nu. Il était entièrement couvert de tatouages. Essaie d’imaginer notre étonnement : c’était la première fois que nous voyions des dessins inscrits dans la peau elle-même ! Le garde passa machinalement ses doigts dessus pour se rendre compte. Il gratta un petit peu. Ce n’était pas de la peinture. La blancheur extrême de la peau, contrastant à peine avec les lignes bleues des tatouages, donnait à l’étranger un air cadavérique.

« Qu’est-ce que cela signifie ?

- Il ne vous répondra pas, intervint l’interprète. »

Au lieu de cela, en effet, l’homme gonfla sa poitrine comme pour nous défier.

« Et il n’a pas peur ?

- Vous voyez ce crâne sur sa poitrine, avec le corbeau. Ca signifie qu’il est déjà un prince du royaume des morts.

- Tiens donc…

- Ne vous moquez pas, les traits parallèles sur ses épaules et ses bras sont ses victimes.

- Tout ça ?

- Décidément vous êtes incorrigible ! Toutes ses marques ont été faites par des témoins oculaires… Elles ne concernent bien sûr que les ennemis morts les armes à la main. »

L’homme avait très bien compris l’objet de notre discussion et il mettait complaisamment en valeur les différents motifs que l’interprète expliquait. Il nous fallut un certain temps pour tous les détailler et je ne pouvais m’empêcher par devers moi d’être fasciné.

« Mais toi, l’interprète, comment sais-tu tout ça sur ces symboles ?

- J’ai appris à faire les tatouages.

- Ah ! »

Là-dessus, le conseiller du roi se mit en colère :

« Qu’a-t-il encore à dire pour se défendre ?

- Vous n’avez donc pas compris qu’il ne dira rien. Il estime qu’il n’a pas besoin de se défendre.

- Et que peut-il nous apprendre alors ?

- Croyez-vous qu’il soit homme à parler sous la torture ou à aider l’ennemi ?

- Puisque c’est ainsi, nous perdons notre temps. Qu’il soit pendu à la première heure demain. »

Les jeunes officiers commencèrent à récriminer mais le conseiller coupa court et s’en alla sans se retourner.

La pendaison n’eut jamais lieu. Le soir même, Karm disparut avec un grand nombre de jeunes soldats de bonnes familles. Le prisonnier aussi disparut et personne ne crut à une évasion. Deux semaines plus tard, on entendit parler des écorcheurs et d’une bataille qu’ils avaient remportée.

 

 

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