mots rares (08/05/2012)

 

par antonin moeri

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Il m’arrive de lire le livre d’un auteur qui aime particulièrement les mots peu usités. Je me souviens des séances de traduction avec Madeleine Hohl qui me disait: «Quand trois ou quatre mots se présentaient à l’esprit de Ludwig, il choisissait toujours le plus courant». En lisant le dernier livre de Nicolas Fargues, le lecteur sent que cet auteur aime particulièrement l’usage de mots rares, très spécialisés ou peu employés. Ainsi parle-t-il, avec la malice du premier de classe qui prouve une fois de plus son intelligence, des «incisives supérieures linguoversées et jaunies d’un maniaco-dépressif». Alerte! Où trouver le sens du mot linguoversé? Autre expérience du même genre avec le «trolley en polycarbonate».

Il est vrai que je n’ai pas l’habitude de voyager en avion. Je connaissais l’existence de ce bagage pour en voir vu dans la rue, dans un tram, devant un guichet ou à l’aéroport (les rares fois où j’ai pris l’avion), mais je ne connaissais pas le ou les mots pour désigner ce bagage très courant à l’heure du transport aérien à prix plancher et que n’importe quel péquin peut se procurer dans une grande surface. J’avais déjà utilisé le mot «trolley» pour désigner le véhicule public où je suis susceptible de monter le vendredi pour me rendre à la gare, mais je n’avais jamais entendu quelqu’un utiliser ce mot pour parler de cette fameuse valise à roulettes que les voyageurs tirent, la main énergiquement serrée sur la poignée qui couronne une tige en alu.

Vous me direz: «Mais enfin, Monsieur Vermisseau, vous ne connaissez pas la langue anglaise, vous ne savez pas que «to troll» veut dire rouler et que «trolley» signifie chariot ou petit wagon qui roule!» En effet, je n’ai jamais appris cette langue (je suis allergique à l’anglais d’aéroport), préférant de loin l’italien, le russe, l’allemand ou l’arabe, langues dont les musiques sont agréables à mon oreille. Vous voyez que je fais un très mauvais lecteur de Fargues, dont «La Ligne de courtoisie» me plaît cependant. Je vous en dirai les raisons la semaine prochaine.


Nicolas Fargues: La Ligne de courtoisie, POL, 2012

 

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