fête funeste (13/03/2012)

 

 

ANTONIN MOERI

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Une nouvelle de Poe se passe à la cour d’un brave roi. Son fou ou bouffon de profession est nain, boiteux, gras, rond et massif, les bras prodigieusement musclés, de puissantes dents épouvantablement rangées. Ce nain subit sans mot dire railleries, humiliations et injures, jusqu’au jour où, révolté par une odieuse injustice, il pète un câble et imagine un stratagème pour assouvir sa vengeance. Ce personnage, appelé Hop-Frog, ne se déplace qu’avec des tortillements et des sauts. Il est flanqué d’une danseuse presque aussi petite que lui, Tripetta. Tous deux ont été enlevés dans leur pays d’origine pour divertir le brave roi adipeux. Comme ce roi et ses ministres s’ennuient, ils n’ont qu’une obsession: faire la fête. Le roi force Hop-Frog à boire du vin. Tripetta supplie le roi d’épargner son ami. Le roi frappe Tripetta et lui jette à la figure le contenu de sa coupe.

Hop-Frog a une idée. «C’est vraiment un jeu charmant, quand il est bien exécuté». Pour que le roi et ses ministres ressemblent aux orangs-outangs de ce jeu charmant, ils sont enduits de goudron, couverts de lin et enchaînés. Le nain fait descendre du plafond le crochet qui sert habituellement à suspendre un énorme lustre, crochet qu’il ajuste à la chaîne des singes et qu’il fait remonter au plafond. L’assemblée se tord de rire et le boiteux met le feu aux orangs-outangs. Ainsi Hop-frog s’est-il vengé de l’agression du roi sur Tripetta, qu’il va rejoindre sur le toit. On pense qu’ils sont retournés dans leur pays d’origine.

L’acte est perpétré lors d’un bal masqué organisé par des gens qui «sentent le besoin de quelque chose dans le sens de la folie», des gens qui ne pensent qu’à s’amuser, qui ne se soucient pas des raffinements ou «ombres de l’esprit». Ils ont perpétuellement besoin de quelque chose de nouveau, d’extraordinaire. Ils forcent les participants à être gais. On pourrait imaginer une transe psychédélique, une soirée hardcore ou une rave party, une de ces grandes ruées dans quelque entrepôt abandonné, dans une forêt, sur une plage ou dans une grotte, où s’éclater est obligatoire et où les décibels sont si élevés que converser est impossible.

Cette rave aurait ses héros et ses saints, qu’on admirerait bouche bée. Et voici qu’un beau blond aux yeux bleus, pour venger je ne sais quelle infamie, sortirait un fusil d’assaut de son sac de sport et flinguerait une centaine de ravers innocents. Heureusement, la police veille, les teufs sont sévèrement gardées. Hop-frog ne pourrait réaliser son plan funeste dans un pays idyllique comme le nôtre! Amen!

 

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