Jacques-Etienne Bovard, La cour des grands (11/03/2011)

Par Alain Bagnoud


cour-grands-jacques-etienne-bovard-L-4cKITp.jpegLa Cour des grands, c’est l’histoire d’un bug informatique. Trois auteurs de livres de gare, habitués à produire des romans industriels qui parlent de voyage, de sport ou de pornographie, sont invités par erreur à participer à une tournée d’écrivains romands. Ils y sont confrontés à l’ire du Grand Homme du lieu, reconnu par Paris, pour qui on parle de Pléiade et de Prix Nobel, et qui refuse que ces pitres l’approchent.

L’affaire va produire des modifications sensibles. A la fin du roman, tandis que le pornographe est très moralement condamné à poursuivre sa carrière de forçat des sens après avoir été battu et blessé, les deux autres, un peu plus récupérables, se vouent à la vraie littérature, convaincus par l’exemple du grand homme après avoir passé dans son bureau ou dans son lit.

Cette histoire se lit sans qu’on puisse la lâcher. La force de Jacques-Etienne Bovard, c’est d’y provoquer une identification aux nuls décrits dans son livre, plus particulièrement à son narrateur, Chaubert. Chacun dans son existence a occupé cette position, où qu’il soit situé: confronté à un grand homme dominant, méprisant et reconnu, dont tous chantent les louanges. Chacun a rêvé de monter en grade, de s’améliorer, d’avoir plus de talent, tout en ne comprenant pas pourquoi il ne le peut pas. Chacun s’est posé des questions sur la discipline à suivre ou les ingrédients à utiliser pour faire un meilleur travail.

Et en même temps, puissance entraînante du récit aussi: on se sent supérieur à ces b0828bovard.jpgmêmes nuls, surtout à Borloz, l’auteur de romans pornos. Le grand moteur du livre, c’est cette position dans laquelle se retrouve le lecteur, identification-sentiment de supériorité, écrasement ressenti devant le pape des lettres dont les ridicules n’empêchent pas la grandeur.

Le roman a bien d’autres qualités, d'ailleurs. Ecriture efficace, mises en scènes subtiles, sens de la farce, réflexions sur le fait d’écrire, bonne histoire et fin morale : La Cour des grands mérite bien le succès qu’il est en train d’obtenir.

 

Jacques-Etienne Bovard, La cour des grands, Editions Bernard Campiche

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