L'enfant prodigue, par Jean-Louis Kuffer (18/02/2011)

Par Alain Bagnoud

 

vernissage-lenfant-prodigue-L-kZPo_3.jpegCe livre est une symphonie. Vastes mouvements, reprise des thèmes, ressources multiples d’un écrivain au sommet de son art, jubilation de la langue...

Il s’agit d’y recréer une enfance. De tourner, plutôt, autour de l’enfance, autant celle du narrateur petit que sur ce qu’il y a d’enfance en lui plus tard, ou ailleurs, autour de lui, dans la danse ou le rire de sa fille par exemple.

C’est une autobiographie et c’est un roman. Les connaissances de Kuffer auront de la peine parfois à dissocier ce qui appartient à l’une ou de l’autre. Ça n’a pas la moindre importance. On se trouve dans l’autofiction, comme Proust en faisait, c’est-à-dire dans un texte où, outre le plaisir romanesque, on peut trouver aussi un intérêt vif à voir pointer ici ou là l’oreille de l’auteur. On est, surtout, dans la littérature.

Le texte commence par quelques scènes fortes (le jardin, la maison flottante, les visages), puis germine et bourgeonne organiquement, rythmé par la découverte de mots, LUMIÈRE, DEHORS, DEDANS, ÂME, CELA, qui coagulent les grands thèmes du livre, lequel est structuré plus particulièrement par celui du double.

Les deux frères en sont un avatar, comme les faces opposées du narrateur: moi l’un etkuffer_jean-louis_120x150.png moi l’autre. Le double: une manière d’englober les divers aspects de l’existence, de faire cohabiter des antithèses, ou plutôt de les constater en tant que composantes essentielles de la vie - et de la langue.

Cette langue que Kuffer travaille dans la pâte en même temps qu’il lui insuffle un rythme de danse. Il montre dans L’enfant prodigue une liberté, un souplesse rares. Inventivité, légèreté et épaisseur tout à la fois. Polyphonie aux plaisirs de lecture multiples.

Et scènes fortes, voire bouleversantes: la mort de Pilou enfant, le martyre d’Augustine, personnages du Quartier des oiseaux... La sexualité, l’amour, la poésie, les lectures, la paternité... Des moments qui construisent peu à peu le destin du narrateur, captivé par la beauté du monde et sa profondeur, pris dans l’écriture et la peinture qui lui servent à restituer l’aube ou à apprivoiser le passé et la mort.

 

Jean-Louis Kuffer, L’enfant prodigue, Editions d’autre part

 

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